La ville antique d’Argilos n’a pas fini de dévoiler ses secrets!

  • Forum
  • Le 26 juin 2019

  • Martin LaSalle
Vue aérienne du bâtiment commercial de la ville antique d'Argilos, où se poursuivent les travaux de recherche du professeur Jacques Perreault et de ses étudiants.

Vue aérienne du bâtiment commercial de la ville antique d'Argilos, où se poursuivent les travaux de recherche du professeur Jacques Perreault et de ses étudiants.

Crédit : Jacques Perreault

En 5 secondes

Pour une 27e année, le professeur Jacques Perreault, du Département d’histoire de l’UdeM, dirige un groupe d’étudiants qui effectuent des fouilles sur le site de la ville antique d’Argilos, en Grèce.

Une cinquantaine d’étudiants venus de partout dans le monde prennent part à la mission archéologique helléno-canadienne d’Argilos, un vaste projet de collaboration mis en œuvre il y a 27 ans par Zisis Bonias, de l’Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques de Kavala, et par le professeur Jacques Perreault, du Département d’histoire de l’Université de Montréal.

La moitié d’entre eux proviennent de quatre départements de l’UdeM (histoire, anthropologie, études classiques et histoire de l’art); huit autres sont issus du Collège de Rosemont et du Collège Lionel-Groulx.

Ensemble, ils poursuivront les fouilles du grand bâtiment commercial composé de 12 boutiques mis au jour en 2013. Ce «centre commercial antique» est considéré comme une des découvertes archéologiques les plus remarquables de la décennie en Grèce.

Les étudiants continueront aussi à explorer les trois autres grands bâtiments découverts autour du centre commercial et à étudier plus avant le mobilier antique découvert dans ces bâtiments.

Une cité vieille de 2700 ans

En plus du le bâtiment commercial composé de boutiques (en bas à gauche), les fouilles ont permis de dégager une grande rue transversale (à droite, sur l'image) qui devait partir du quartier portuaire pour mener à l’acropole. Les vestiges de grands édifices, découverts de part et d’autre de cette rue, font aussi l'objet de fouilles.

Crédit : Jacques Perreault

Située au bord de la mer Égée, à 4 km à l’ouest de l’embouchure du fleuve Strymon, dans le nord de la Grèce, la ville antique d’Argilos occupe la colline Palaiokastro, une acropole culminant à 80m d’altitude.

«Fondée vers 655 avant notre ère, la cité d’Argilos a connu un essor économique important, au moins jusqu’à la fondation d’Amphipolis en 437 avant notre ère, indique Jacques Perreault. Elle a été conquise par Philippe II, tout comme les autres colonies de la région, en 357, et on croyait que la ville avait alors été abandonnée.»

Les fouilles réalisées depuis 1992 ont permis de mettre au jour différentes structures, révélant ainsi trois siècles d’occupation jusqu’au déclin définitif de l’agglomération.

Déjà de nouvelles découvertes!

Une grande jarre de conservation a été découverte par les étudiants, au cours des dernières semaines. La terre qu'elle contenait sera analysée par des archéobotanistes pour en identifier le contenu en détail.

Crédit : Jacques Perreault

Les fouilles menées sur le flanc sud-est de la colline témoignent du développement de l’urbanisme aux VIe et Ve siècles avant notre ère.

«Nous avons dégagé une grande rue, large de cinq mètres, qui devait partir du quartier portuaire pour mener à l’acropole, explique M. Perreault. De grands édifices ont été construits de part et d’autre de cette rue, certains servant d’habitations, d’autres voués plutôt à des activités publiques. Les murs extérieurs de ces bâtiments sont dans un état de conservation surprenant – certains murs atteignent une hauteur de près de quatre mètres –, ce qui nous permet de mieux comprendre les principes de construction et de proposer des restitutions réalistes.»

Une autre série de bâtiments autour du «portique» commercial pourrait s’avérer prometteuse, d’après le professeur. Il pourrait s’agir d’ateliers d’artisans, d’aires commerciales et de résidences. Et une autre construction, située en retrait de cet ensemble, pourrait comprendre des zones résidentielles.

«Nous sommes encore au début de notre programme de fouilles dans ce secteur, ajoute M. Perreault. Cet été, nous poursuivrons également le dégagement de la grande rue découverte sur le flanc sud-est, dont une nouvelle portion a été fouillée sur une longueur de 70 mètres en 2018.  Nous espérons cette année atteindre la jonction avec le quartier commercial. On commence donc à avoir une idée assez précise de la trame urbaine.»

Des relations sociales inexpliquées

Jacques Perreault

Crédit : Amélie Philibert

Les fouilles réalisées par les étudiants de Jacques Perreault sur le site d’Argilos ont aussi pour but de mieux comprendre l’établissement et l’organisation des colonies grecques sur la côte nord-ouest de la mer Égée.

Outre la fondation de la ville et les conditions qui en ont permis le développement, ce qui intéresse le professeur, c’est la nature des contacts entre Grecs et non-Grecs et la façon dont s’organisaient les échanges avec les populations indigènes.

En terminant les fouilles du «portique», ses étudiants et lui tenteront de comprendre la nature des échanges commerciaux qu’on y effectuait à l’époque à partir d’artéfacts récemment découverts dans ces échoppes, dont plusieurs éléments d’un métier à tisser, des objets en bois de cerfs, un pressoir à olives et, cette année, une grande jarre de conservation. La terre que contenait cette jarre sera analysée par des archéobotanistes qui, espère-t-on, pourront en identifier le contenu en détail.

«Certains aspects primordiaux des processus de la colonisation grecque au VIIe siècle avant notre ère dans cette région n’ont été que peu ou pas étudiés et l’état exceptionnel des vestiges découverts jusqu’à maintenant nous permet d’aborder des questions fondamentales liées aux contacts culturels entre Grecs et non-Grecs et à l’urbanisme colonial», conclut M. Perreault.

  • Quelques-un des membres de l'équipe internationale qui effectue les fouilles à Argilos, sous la supervision du professeur Perreault. Dans le sens des aiguilles d'une horloge: Chloe Morris (Texas Tech University), Peter Apostolaros (University of Maryland College Park), Isabela Warksman (Université Concordia) et Silvia Costea (Université de Montréal).

    Crédit : Jacques Perreault

Sur le même sujet

histoire archéologie recherche