L’éveil aux langues constitue une richesse pour l’école

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  • Le 4 septembre 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
Photo tirée de la vidéo «L'imagier plurilingue en classe: une ouverture à la diversité linguistique», réalisée par Perpétue Sulney, avec le soutien de Françoise Armand.

Photo tirée de la vidéo «L'imagier plurilingue en classe: une ouverture à la diversité linguistique», réalisée par Perpétue Sulney, avec le soutien de Françoise Armand.

Crédit : Élodil

En 5 secondes

Françoise Armand mène depuis 15 ans des recherches sur les approches plurilingues et l’éveil aux langues, en étroite collaboration avec les milieux scolaires.

Des élèves allophones qui apprennent le français langue seconde au secondaire et qui écrivent leur histoire familiale à la fois en français et dans leur langue maternelle expriment des idées plus riches, utilisent un meilleur vocabulaire et sont plus engagés dans la tâche d’écriture que ceux qui n’ont pas cette chance. Ces résultats sont encore plus significatifs lorsque l’exercice d’écriture s’accompagne d’ateliers théâtraux.

Voilà l’un des résultats des recherches de Françoise Armand, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, et de son équipe, qui se consacrent depuis 15 ans à l’enseignement en milieux pluriethniques et plurilingues. Le site qu’elle a créé, baptisé Élodil (pour «Éveil au langage et ouverture à la diversité linguistique»), rassemble les informations sur le sujet.

En cette rentrée scolaire 2019, Mme Armand voit plusieurs de ses projets se poursuivre. Par exemple, avec la collaboration de deux éditeurs québécois en littérature jeunesse, Les 400 coups et La courte échelle, elle a fait traduire 11 albums récents en plus de 20 langues; les traductions incluent des enregistrements. Une application a été conçue afin que des enseignantes du préscolaire qui travaillent dans des milieux pluriethniques et défavorisés puissent exploiter ces albums sur un tableau blanc interactif en classe. Les parents ont également accès à l’application à la maison.

De la théorie à la pratique

Les commissions scolaires de Montréal, de Laval, Marguerite-Bourgeoys et de la Pointe-de-l’Île ont participé à ce projet. Plusieurs classes de maternelle en milieux pluriethniques et plurilingues ont reçu les outils pédagogiques créés pour l’occasion. «Nous avons collaboré avec des enseignantes allumées, tout un cadeau! Et les enfants ont adoré l’expérience, ils en redemandaient!» mentionne la didacticienne.

De deux à trois heures par semaine ont été consacrées à ce projet pendant quatre mois. «Nous n’avons pas terminé nos analyses, mais je m’attends notamment à ce que les enfants aient acquis plus de vocabulaire, puisqu’ils avaient l’occasion de le travailler à l’école et à la maison en établissant des liens entre les langues qu’ils connaissent. On peut penser aussi qu’ils auront développé leurs habiletés en compréhension et en production d’histoires. Par ailleurs, nous avons vu de nombreux jeunes enfants allophones manifester de la fierté quand leur langue maternelle était l’objet d’une attention en classe. Ils prenaient part aux activités avec beaucoup de plaisir.»

Le site Élodil regroupe des guides et des vidéos pédagogiques, un webdocumentaire ainsi que des rapports et des articles de recherche. «Notre approche est inspirée de Language Awareness, une initiative des chercheurs britanniques Eric Hawkins et Peter Garrett dans les années 70 et reprise par la suite en Europe sous le nom d’Éveil aux langues. Le projet Élodil en constitue la branche québécoise.»

L’équipe de Mme Armand veut favoriser «chez tous les élèves, dans une perspective d’éducation interculturelle, l'ouverture à la diversité linguistique et, sur les plans cognitif et langagier, l'émergence de capacités métalinguistiques». Plus précisément, en milieu pluriethnique, elle vise à «légitimer le bagage linguistique des élèves allophones immigrants afin de permettre le transfert des habiletés et des connaissances entre les langues et à valoriser, de façon dynamique et non coercitive, le français langue commune et langue de scolarisation».

La France et la Belgique s’éveillent aux langues!

Les écoles françaises et belges intègrent à partir de cette année l’éveil aux langues dans leur curriculum général. «L'école maternelle a un rôle primordial à jouer dans la prévention de l'échec scolaire en faisant de l'enseignement du langage une priorité, dès le plus jeune âge», peut-on lire sur le site du ministère français de l’Éducation nationale. Celui-ci poursuit en disant que l'éveil aux langues «contribue également à chacun des domaines du programme de maternelle. Il passe par des activités ludiques et réflexives sur la langue (comptines, jeux avec les mots, etc.), faisant place à la sensibilité, à la sensorialité, aux compétences motrices, relationnelles et cognitives des élèves». On estime que cette approche aidera «au développement du langage oral et à la consolidation de la maîtrise du français».

Pour Mme Armand, c’est une petite victoire qu’elle aimerait voir imitée au Québec. «Actuellement, on implante cette approche dans plusieurs milieux scolaires et elle est soutenue par les nouveaux enseignants en formation qui, à l’UdeM, bénéficient d’un cours de didactique sur la prise en compte de la diversité linguistique, mais il n’y a pas de projet d’implantation dans l’ensemble du réseau», indique-t-elle.

  • Photo tirée de la vidéo «Interactions orales et littérature jeunesse: KARIM LE KAKI», réalisée par Nicole Caudrelier et Marie-Claude Godin, avec le soutien de Françoise Armand.

    Crédit : Élodil

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