Nos relations avec les États-Unis: différence canadienne ou impuissance collective?

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  • Le 4 octobre 2019

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Philippe Faucher, professeur émérite du Département de science politique de l'Université de Montréal et chercheur au Centre d'études et de recherches internationales de l'UdeM

Philippe Faucher, professeur émérite du Département de science politique de l'Université de Montréal et chercheur au Centre d'études et de recherches internationales de l'UdeM

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Le Canada se borne à clamer sa différence et doit se contenter de fréquenter les antichambres des organisations internationales, selon le politologue Philippe Faucher, de l’UdeM.

Par Philippe Faucher, professeur honoraire du Département de science politique de l’Université de Montréal et chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM

Le Canada n’a pas, au cours du dernier siècle, agressé ses voisins, conquis des territoires ni massacré à distance des populations dans le but, selon l’élan colonisateur de l’époque, de s’approprier des ressources ou d’améliorer sa position stratégique. Ainsi l’histoire a épargné au Canada la rancœur et l’esprit de vengeance de la communauté internationale, puissants moteurs qui enflent les budgets militaires, provoquent les conférences de paix et alimentent les débats nationaux.

La Russie partage une frontière terrestre avec 14 pays, la Chine avec 16. Ces deux nations vivent dans l’appréhension permanente, soutenue par l’histoire, de l’envahisseur. Ce n’est pas le souci du Canada, qui n’a qu’une frontière avec les États-Unis, son principal allié. 

Voilà pourquoi nos relations internationales n’occupent le plus souvent qu’une bien petite place dans les débats de nos campagnes électorales.

Des choix inédits et des constatations douloureuses

Mais le déplacement des plaques tectoniques de l’ordre mondial menace notre quiétude. La montée en puissance de la Chine et le déclin de l’hégémonie américaine forcent à des choix inédits et à des constatations douloureuses.

Le commerce et la défense sont les deux sujets prioritaires de l'actuelle campagne en matière de politique internationale. Le Canada exporte 66 % (2018) de la valeur totale de ce qu’il produit (PIB). Les États-Unis sont notre principal client (pas loin de 70 % de la valeur des échanges) et la Chine vient en second (6 %). Le solde commercial avec les États-Unis est positif (+18 milliards de dollars) alors que celui avec la Chine est négatif (-17 milliards). La valeur des actifs financiers du Canada aux États-Unis s’élève à près de 3000 milliards de dollars, comparativement à 46 milliards en Chine.

L’intégration des chaînes de valeur, officialisée par le Pacte de l’automobile de 1965, est complétée. Il est difficile de l’admettre, mais quand Donald Trump mène sa guerre commerciale contre la Chine, il défend du même coup l’activité économique et les emplois du Canada. On comprendra pourquoi quand ce même président annonce, sous la menace d’une rupture des pourparlers, qu’il est primordial de renégocier l’ALENA, c’est le branle-bas de combat à Ottawa.

Impuissance collective

La guerre commerciale est indissociable de la concurrence technologique entre les deux grandes puissances. L’arrestation à Vancouver, à la demande des États-Unis, de Meng Wanzhou, haute dirigeante de Huawei, n’est qu’un épisode dans cette bataille.

Les études indiquent que la Chine est sur le point de prendre l’initiative de l’innovation à des fins militaires. Il est question ici de systèmes téléguidés, d’armes à énergie dirigée, d’intelligence artificielle et de technologies quantiques, autant de domaines où la Chine aurait supplanté les États-Unis.

Le Canada, membre de l’OTAN, participe aussi au système de défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, le NORAD. La sécurité du Canada ne se distingue pas, pour l’essentiel, de celle des États-Unis.

Il est difficile, pour des politiciens en campagne, d’avouer leur impuissance collective et peu d’électeurs seront convaincus si on leur promet autonomie et émancipation face à la domination américaine. Alors, on se borne à clamer notre différence et l’on propose nos bons offices dans les antichambres des organisations internationales. Rien n’y fait, les électeurs sont indifférents à ces appels.

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