René Pelletier, l’ostéopathe qui a aidé l’astronaute David Saint-Jacques à revenir sur Terre!

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  • Le 7 octobre 2019

  • Martin LaSalle
David Saint-Jacques et René Pelletier

David Saint-Jacques et René Pelletier

Crédit : Image fournie par René Pelletier

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Dans les semaines qui ont suivi son retour sur Terre, David Saint-Jacques a été traité par plusieurs professionnels de la santé, dont l’ostéopathe René Pelletier, diplômé en réadaptation de l’UdeM.

Le 24 juin dernier, l’astronaute David Saint-Jacques, de l’Agence spatiale canadienne, était de retour sur Terre après un séjour de plus de six mois en orbite dans la Station spatiale internationale. Quelques jours plus tard, au cours de sa première sortie médiatique, il confiait qu’il était sorti «magané» de la capsule Soyouz.

Certes, la gravité terrestre est rapidement redevenue son amie, mais il a dû être accompagné par plusieurs professionnels de la santé pour retrouver graduellement la forme.

L’un d’eux est l’ostéopathe René Pelletier, qui est titulaire d’une maîtrise en sciences biomédicales et d’un doctorat en réadaptation de l’Université de Montréal.

Au cours d’une entrevue, M. Pelletier a bien voulu nous parler de cette expérience hors du commun.

Traiter des astronautes faisait-il partie de votre plan de carrière?

Pas du tout! L’Agence spatiale canadienne était à la recherche d’un ostéopathe possédant une expertise en médecine du sport.

En octobre 2018, quelques jours après ma soutenance de thèse, l’Agence a diffusé une demande de soumissions pour un contrat de consultant et, le mois suivant, ce contrat m’a été accordé.

L’un de mes principaux atouts, en plus de mon doctorat en sciences de la réadaptation de l'Université de Montréal, est que j'ai à mon actif près de 30 ans d’expérience en milieu clinique. Après mon baccalauréat en sciences de l’activité physique à l’Université Concordia, j’ai travaillé auprès d’athlètes de haut niveau, notamment avec des joueurs de soccer du Supra de Montréal, puis de l’Impact de Montréal et avec l’équipe nationale canadienne de soccer féminin, en plus de donner des cours de médecine sportive à l’Université Concordia.

Puis, après avoir terminé ma maîtrise à l’UdeM en 1992, j’ai été engagé par une clinique de médecine sportive tout en amorçant des études au Collège d’études ostéopathiques de Montréal, d’où j’ai obtenu mon diplôme en 1998. Je crois que cette combinaison de savoirs et d’expériences professionnelles a plu à l’Agence!

Comment se prépare-t-on à contribuer à la réadaptation d’un astronaute qui revient sur Terre?

Mon expérience de doctorat à l’UdeM a été fort utile, car j'avais commencé à étudier la littérature scientifique sur les effets physiologiques associés à la vie pendant de longues périodes dans un environnement de microgravité. Quelques semaines après le départ de David Saint-Jacques, le 3 décembre 2018, l’équipage qui occupait la Station spatiale internationale est revenu sur Terre, dont l’astronaute allemand Alexander Gerst. J’ai alors été envoyé à l’Agence spatiale européenne, à Cologne, où j’ai rencontré les personnes responsables du programme de réadaptation. J’étais là quand M. Gerst est arrivé à Cologne et j’ai pu observer son état et les interventions qui ont été menées. En Allemagne, un ostéopathe-physiothérapeute et un kinésiologue font partie de l’équipe de réadaptation des astronautes comme nous l'avons fait à l’Agence spatiale canadienne avec David Saint-Jacques.

Puis, en février dernier, je suis allé à la NASA, à Houston, pour me familiariser avec ses installations et faire la connaissance des responsables de la réadaptation des astronautes américains.

Pour des raisons de confidentialité évidentes, je ne peux donner d’information sur les soins prodigués à David Saint-Jacques! Mais je peux dire qu’après l’évaluation physique suivant son atterrissage au Kazakhstan il a été transporté à Houston. Je l’ai rencontré au Johnson Space Center, où il a amorcé sa réadaptation moins de 48 heures après son arrivée. J’ai participé à la prescription d'exercices, en particulier les exercices de contrôle moteur et de flexibilité, ainsi qu’aux traitements manuels ostéopathiques.

J’ai accompagné David Saint-Jacques au cours des 10 premiers jours qui ont suivi son retour et je l’ai revu aux installations de l'Agence spatiale canadienne, à Saint-Hubert, pendant deux semaines par la suite. Et nous nous sommes revus récemment, car mon travail avec lui n'est pas tout à fait terminé. Selon les besoins, il est possible que je retourne à Houston pour effectuer un suivi avec M. Saint-Jacques à l'automne.

Dans quelle mesure un séjour de six mois en quasi-apesanteur affecte-t-il la santé physique des astronautes?

À leur retour sur Terre, les astronautes souffrent de problèmes vestibulaires et de contrôle moteur spécifiques à certains muscles. L’entraînement physique auquel ils s’astreignent en orbite ‒ 90 minutes par jour! ‒ permet de maintenir leurs capacités cardiovasculaires et une certaine masse musculaire, mais ils perdent environ un pour cent de leur masse osseuse par mois passé dans l’espace.

Ils éprouvent aussi des problèmes de posture: en flottant dans la station orbitale, ils sont un peu fléchis vers l’avant, leurs épaules sont en position soulevée et leurs jambes légèrement en rotation interne. Ils perdent de la souplesse dans les muscles du cou et du tronc ainsi que dans les hanches. Quand ils reviennent sur Terre, comme leurs muscles doivent dès lors travailler constamment contre la gravité, ils décrivent un malaise général qui se traduit par des tensions, des raideurs et plus simplement un inconfort.

Les astronautes qui passent autant de temps en orbite sont également plus à risque d’avoir des hernies discales: le risque associé à une hernie lombaire est 4 fois plus élevé que pour nous, sur la terre ferme, et le risque lié à une hernie cervicale l’est 20 fois plus.

En outre, il faut savoir que les astronautes grandissent de cinq à sept centimètres dans l’espace. Les disques et les coussins entre les vertèbres rallongent en raison de la quasi-absence de gravité. Les astronautes retrouvent leur taille normale en une semaine environ, mais l’affaiblissement de leurs disques peut durer jusqu’à un an.

Globalement, ils regagnent leur contrôle moteur assez rapidement grâce aux exercices et programmes d’entraînement. Pour ce qui est de leur masse osseuse, elle peut prendre un an avant d’être récupérée, mais leur architecture osseuse, elle, ne se rétablit pas complètement ‒ ce qui ne les empêche pas de bien fonctionner.

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