Une équipe étudiera les effets du bruit sur le système auditif des travailleurs

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  • Le 1 novembre 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
Les travailleurs d'usine sont parmi les groupes de sujets étudiés.

Les travailleurs d'usine sont parmi les groupes de sujets étudiés.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Alexis Pinsonnault-Skvarenina mènera une recherche sur l’exposition au bruit en milieu de travail.

Une équipe de chercheurs de l’Université de Montréal recrute actuellement des sujets de recherche pour étudier les effets du bruit sur le système auditif des travailleurs et travailleuses. «Nous souhaitons mesurer la capacité de certains tests à détecter des problèmes au nerf auditif qui pourraient être associés à une exposition importante et constante au bruit en milieu de travail. Notre recherche traitera aussi des conséquences des bruits courts et intenses auxquels sont soumis les militaires qui manipulent les armes à feu», explique Alexis Pinsonnault-Skvarenina, audiologiste et étudiant au doctorat.

Au Québec, de 290 000 à 360 000 travailleurs et travailleuses seraient exposés à des niveaux de bruit «suffisamment élevés pour entraîner une perte auditive», écrit le chercheur et clinicien dans la plus récente édition de la revue des cycles supérieurs Dire. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) rapporte 7000 cas de surdité professionnelle reconnus en 2017, ce qui représente les trois quarts des réclamations pour une maladie professionnelle. Si l’on ajoute à cela les expositions durant les loisirs (écoute de musique, pratique de sports motorisés, etc.), le bruit fait «partie intégrante de la société et a un impact non négligeable sur la santé».

Sous la direction de Tony Leroux, professeur à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’UdeM, la recherche se concentre sur la synaptopathie auditive, soit «l’atteinte du système auditif qui se caractérise par une réduction des synapses entre les cellules ciliées de l’oreille et le nerf auditif et par une destruction de certaines fibres du nerf auditif».

Le chercheur précise en entrevue que les travailleuses et travailleurs exposés au bruit souffrent davantage de problèmes d’audition que la population en général; ces problèmes peuvent mener à la surdité. «Ce qu’on cherche à savoir, c’est si une exposition sur quelques années peut causer des dommages permanents au nerf auditif sans qu’il y ait de surdité. Ces dommages ont déjà été observés chez les animaux.»

Ce type de lésion peut entraîner des difficultés à comprendre un interlocuteur dans un milieu bruyant ou provoquer des acouphènes. «Il s’agit de détériorations qui demeurent indétectables en clinique à ce jour, mais qui peuvent avoir des répercussions sur la santé auditive.»

Vieillissement et synaptopathie

En étudiant des cadavres humains, des équipes américaines et australiennes ont pu documenter la synaptopathie auditive au cours des 10 dernières années. Ces études laissent penser que l’anomalie serait liée au vieillissement. «En vieillissant, une diminution de certaines fibres du nerf auditif est observée, indique M. Pinsonnault-Skvarenina. Ce qu’on cherchera à établir maintenant, c’est si un bruit élevé sur une courte période peut occasionner des dommages précoces au nerf auditif.»

Bien sûr, la méthodologie ne prévoit pas la dissection des sujets de recherche pour effectuer des mesures histologiques comme celles qu’on prend sur des cadavres ou des animaux. On procédera plutôt au moyen de tests électrophysiologiques sur le nerf auditif, de tests comportementaux et de questionnaires. Les personnes participantes devront par exemple répéter des mots entendus dans un contexte bruyant. Il sera ainsi possible de comparer les résultats de sujets exposés et non exposés au bruit et de vérifier l’état du nerf auditif.

Si le port de protecteurs auditifs est recommandé par les organismes de santé comme la CNESST, il arrive que les travailleurs et travailleuses ne suivent pas à la lettre leurs recommandations. «Certains portent des bouchons d’oreilles ou des coquilles antibruits, mais pas tous. Et un niveau de bruit très élevé peut nuire au système auditif malgré le port de cet équipement de protection», mentionne le chercheur, qui déplore le fait que le bruit ne soit toujours pas considéré comme un problème de santé publique.

Clinique, recherche et enseignement

Diplômé du baccalauréat et de la maîtrise en audiologie, M. Pinsonnault-Skvarenina a pratiqué son métier en clinique pendant quelques années avant d’effectuer un retour aux études, en 2018. «J’ai eu l’idée de mon projet de recherche en discutant avec mon futur directeur de recherche. Je me suis lentement fait à l’idée d’entreprendre une thèse sur ce sujet, que je trouve très riche.»

La décision a permis au jeune homme de se consacrer à l’une de ses passions: l’enseignement. Il participe cet automne au cours Bruit et audition, auquel 25 étudiantes et étudiants sont inscrits. Antérieurement, il a pris part à l’élaboration et à la mise en place d’activités pédagogiques pour plusieurs cours de premier cycle. Et il a agi comme auxiliaire d’enseignement pendant plusieurs années. «J’adore enseigner. C’est une façon pour moi de transmettre mes connaissances.» La recherche vient donc compléter son activité pédagogique.

L’année 2019 a été fertile en distinctions reçues pour Alexis Pinsonnault-Skvarenina, puisqu’il a remporté le premier prix du concours de vulgarisation scientifique Michel-Bergeron (1200 $), la Bourse de l’avant-garde du réseau Entendre+Hearing (1700 $) et un prix du Concours des projets pilotes de l’École d’orthophonie et d’audiologie de l'UdeM (1000 $). Sans compter les bourses doctorales décernées par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail pour sa recherche.

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