Une révolution dans l’assiette
- Revue Les diplômés
Le 9 décembre 2019
- Martin LaSalle
Réduction de la consommation de viande dont le prix a augmenté, utilisation de nouvelles sources de protéines, quasi-élimination du gaspillage, notre rapport à la nourriture a évolué.
Les menus des familles en 2050 comportent 50 % moins de viande qu’il y a trois décennies. «La poitrine de poulet qui se détaillait 20 $ le kilo en 2020 se vend maintenant autour de 30 à 37 $, toujours en dollars de 2020», projette Jean-Pierre Vaillancourt, professeur au Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Si la viande est principalement servie lors de repas festifs, une grande portion de l’apport en protéines provient «des végétaux et de poudres d’insectes, dont la production engendre très peu de gaz à effet de serre», estime Geneviève Mercille, professeure au Département de nutrition de la Faculté de médecine de l’UdeM.
Des solutions au gaspillage
Des normes sociales ont favorisé la carboneutralité en matière d’alimentation. Pour Geneviève Mercille, la réduction du gaspillage et la valorisation de chaque partie des aliments ont été intégrées dans les façons de faire, et ce, tout au long de la chaîne. Producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs ont tous fourni leur part d’efforts. Rappelons qu’avant 2020 près du tiers de la production mondiale de nourriture était gaspillée.
Depuis, de nouvelles technologies permettent de réutiliser les aliments périmés, notamment dans l’alimentation animale. Les consommateurs, eux, disposent de réfrigérateurs intelligents qui connaissent la durée de vie des aliments et proposent des recettes pour éviter de les perdre. Les mesures régissant la gestion de l’offre des produits animaux ont quant à elles été étendues aux produits maraîchers pour stabiliser les prix et les rendre plus accessibles aux familles à faible revenu.
Enfin, on transporte ses sacs et ses contenants réutilisables lorsqu’on va à l’épicerie du quartier. «On s’y rend les mains pleines et on en revient les mains encore plus pleines avec les denrées, ce qui réduit le recours aux emballages multiples», illustre Geneviève Mercille.
Des changements de la ferme à l’assiette
Avec le réchauffement climatique, l’industrie agroalimentaire canadienne a dû s’adapter en produisant davantage de légumineuses et autres grains, dont certains servent à l’alimentation animale, évalue aussi Jean-Pierre Vaillancourt.
Du côté de la production de viande, avec le traitement des données massives par l’intelligence artificielle, «on dispose de moyens de production de précision qui tiennent compte des besoins particuliers de chaque animal, ce qui est exemplaire sur le plan de la traçabilité des aliments, affirme Jean-Pierre Vaillancourt. En outre, les producteurs n’hésitent plus à partager leurs manières de travailler avec les consommateurs qui, à leur tour, cherchent à savoir d’où leur nourriture provient».
Pour Geneviève Mercille, depuis 2020, les petits producteurs locaux ont eu le temps de créer des moyennes entreprises suffisamment solides pour concurrencer les gros joueurs de l’industrie. «Les systèmes alimentaires à moyenne échelle se sont stabilisés. Cela a permis d’offrir une nouvelle option non seulement aux consommateurs, mais aussi aux organisations comme les hôpitaux, les écoles et les garderies, qui ont réussi à adapter leurs menus au gré de la production saisonnière», ajoute celle qui a mené une réflexion sur le sujet avec la chargée de cours Béatrice Dagenais et les étudiantes Marie-Pier Naud et Ana Deaconu.
Les diverses mesures mises en place permettent aux moins nantis d’avoir un meilleur accès aux aliments sains. Toutefois, les aliments transformés font encore partie de l’alimentation en 2050, et ce, quels que soient les revenus gagnés. «La production de ces aliments est moins polluante qu’auparavant, mais les consommateurs ont toujours leurs contradictions, conclut Jean-Pierre Vaillancourt. Les hotdogs et les hamburgers avec frites existent toujours!»