Mieux comprendre la COVID-19 en comparant sa progression chez les enfants et les aînés

  • Forum
  • Le 2 avril 2020

  • Martin LaSalle
Une étude vise à comprendre ce qui protège les enfants de la maladie afin d’orienter les traitements chez les adultes plus touchés.

Une étude vise à comprendre ce qui protège les enfants de la maladie afin d’orienter les traitements chez les adultes plus touchés.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Des chercheurs de l’UdeM tentent de mieux comprendre la COVID-19 en comparant la réponse immunitaire des enfants avec celle des aînés, chez qui les symptômes de la maladie sont plus graves.

Jean-Sébastien Joyal

Pourquoi la COVID-19 affecte-t-elle davantage les personnes âgées que les jeunes enfants? Pourquoi les symptômes sont-ils plus graves chez les aînés que chez les bambins? Quels sont les mécanismes cellulaires qui expliquent la progression de l’infection?

Ce sont là les questions auxquelles tenteront de répondre trois professeurs de l’Université de Montréal membres d’une équipe qui a entrepris un essai clinique et des travaux de recherche fondamentale d’envergure internationale dirigés de l’Université de la Colombie-Britannique.

Mieux connaître la réponse inflammatoire

Philippe Jouvet

Crédit : Amélie Philibert

Face à la pandémie causée par le SRAS-CoV-2, l'Organisation mondiale de la santé a demandé aux communautés scientifiques du monde entier d’étudier l’épidémiologie de la COVID-19 afin d’élaborer un plan de traitement concerté de la maladie.

«Bien que l’expérience de la Chine et de l’Italie nous aide à affronter cette crise, beaucoup de questions demeurent, indique le Dr Jean-Sébastien Joyal, professeur à la Faculté de médecine de l'UdeM et intensiviste au CHU Sainte-Justine. Entre autres, pourquoi la maladie est-elle si grave chez certaines personnes, alors que plusieurs demeurent asymptomatiques?»

Avec les Drs Philippe Jouvet, également intensiviste au CHU Sainte-Justine et directeur du Réseau respiratoire du Québec, et Hugo Soudeyns, directeur du Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM, le Dr Joyal contribue à une large étude observationnelle de patients hospitalisés au Canada après un diagnostic de COVID-19.

Cette étude, qui vise à comprendre ce qui protège les enfants de la maladie afin d’orienter les traitements chez les adultes plus touchés, comporte un essai clinique mené à travers le monde pour tester des agents antiviraux, le lopinavir et le ritonavir, contre le coronavirus. Elle permettra de recueillir des sécrétions bronchoalvéolaires et des globules blancs chez des adultes et des enfants qui souffrent de la COVID-19 afin de répondre aux questions de l’équipe du Dr Joyal.

«Nous utiliserons les prélèvements afin de comparer les transcriptomes de chaque cellule individuelle d’adultes et d’enfants touchés par la COVID-19, précise Jean-Sébastien Joyal. Ces données nous permettront de mieux comprendre quelles cellules immunitaires divergent dans leur réaction au virus et à quel moment de la maladie. Nous espérons trouver une cible plus précise afin d’atténuer la gravité de la maladie chez les gens plus âgés.»

Les intensivistes canadiens mobilisés par la recherche

Hugo Soudeyns

Crédit : CHU Sainte-Justine

Les travaux de l’équipe du Dr Joyal constituent une sous-étude d’un projet de recherche dirigé par le Dr Srinivas Murthy, de l’Université de la Colombie-Britannique, qui a notamment pris part à des travaux sur l’épidémie de fièvre d’Ebola survenue il y a quelques années.

Ce projet de recherche a été conçu en une semaine par le groupe de chercheurs et de cliniciens canadiens en soins intensifs ‒ le Canadian Critical Care Trial Group. Ce groupe avait participé aux travaux de recherche pour endiguer les dernières épidémies du SRAS en 2003 et de la grippe H1N1 en 2009. «Nous disposions d’une infrastructure de recherche en place que nous avons remise en marche pour la COVID-19», mentionne l’intensiviste.

Ce grand projet de recherche vise des objectifs bien précis, dont:

  • la caractérisation de la progression de la maladie au Canada;
  • le suivi de l’effet d’antirétroviraux (dont le lopinavir et le ritonavir) chez les patients atteints;
  • la recension des perspectives vécues par les intensivistes sur le terrain;
  • l’établissement de lignes directrices pour appréhender la maladie.

«Ce dernier objectif est important parce qu’il faudra dégager des consensus scientifiques à partir des résultats des nombreuses études qui sont menées en ce moment sur la COVID-19», conclut Jean-Sébastien Joyal.

Un déferlement d’études sur le coronavirus!

Selon un article publié la semaine dernière dans la revue The Economist, le moteur de recherche de données biomédicales PubMed a recensé 755 articles scientifiques parus en 2019 dans lesquels le mot coronavirus était mentionné. Dans les 80 premiers jours de l’année 2020, le nombre d’études atteignait 1245.

Des pics similaires dans les activités de recherche se sont produits lors des épidémies du syndrome respiratoire aigu sévère de 2003 et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2012, tous deux causés par des coronavirus.

Cette fois, la réponse scientifique a été beaucoup plus rapide. Certaines revues accélèrent même le processus d'examen par les pairs afin que les études puissent être publiées plus rapidement. Selon Elsevier, une maison d’édition savante néerlandaise, les articles sur le coronavirus parus à ce jour en 2020 proviennent de 65 pays.

«Il y a beaucoup de travaux de science fondamentale en cours et ça évolue très rapidement, témoigne Jean-Sébastien Joyal. Paradoxalement, c’est un moment très excitant, car deux domaines aux paradigmes opposés se rencontrent: celui des intensivistes, où tous doivent aller vite, et celui de la science, qui est un long processus!»

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