Urgence alimentaire en temps de pandémie: comment les organismes communautaires parviennent-ils à s’adapter?

  • Forum
  • Le 27 avril 2020

  • Martin LaSalle
Les sources habituelles d'approvisionnement des organismes d'aide alimentaire d’urgence sont moins nombreuses en raison de la pandémie de COVID-19. Néanmoins, les élans de solidarité et de générosité se multiplient pour les aider à remplir leur mission.

Les sources habituelles d'approvisionnement des organismes d'aide alimentaire d’urgence sont moins nombreuses en raison de la pandémie de COVID-19. Néanmoins, les élans de solidarité et de générosité se multiplient pour les aider à remplir leur mission.

Crédit : Getty

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Avant la pandémie de COVID-19, les organismes d’aide alimentaire d’urgence étaient déjà sous pression. Comment s’adaptent-ils maintenant? C’est ce que veut documenter Geneviève Mercille, de l’UdeM.

Selon les données les plus récentes, quelque 240 000 Montréalais vivaient une situation d’insécurité alimentaire en 2018 et cette situation était grave pour 50 000 d’entre eux. Et avant que la pandémie de COVID-19 frappe, les systèmes alimentaires d’urgence qui aident les plus démunis peinaient à suffire à la tâche.

Comment ces réseaux se réorganisent-ils? Comment parviennent-ils à recueillir puis à distribuer la nourriture, tandis que leur personnel bénévole, qui était surtout constitué de personnes âgées, a considérablement diminué?

C’est ce que souhaite documenter la professeure Geneviève Mercille, du Département de nutrition de l’Université de Montréal. Spécialisée dans les questions relatives à l’accès des populations vulnérables à une alimentation saine, Mme Mercille s’occupait de deux projets de recherche lorsque la crise du coronavirus est survenue.

Deux projets de recherche à adapter à la pandémie

Geneviève Mercille

Crédit : Amélie Philibert

Intitulé «Parcours, demander de l’aide alimentaire, et après?», le premier projet fait appel à 1000 personnes ayant récemment demandé une aide alimentaire dans les régions de Lanaudière, de la Mauricie et du Centre-du-Québec, de l’Estrie et de Montréal.

Ayant pour objectif initial de documenter les trajectoires de vie des participants qui ont recours aux différents types de banques alimentaires, l’étude a été amorcée en 2018 sous la direction des professeures Louise Potvin, de l’École de santé publique de l’UdeM, et de Geneviève Mercille, en collaboration avec l’Université McGill.

La seconde étude est plus récente. Financée par la Direction de santé publique de Montréal, elle vise à connaître et comprendre les habitudes alimentaires des populations vulnérables de quatre secteurs de la métropole. «Nous voulons recruter 200 personnes pour chaque quartier, mais la tâche est plus difficile en raison de la pandémie», confie Geneviève Mercille.

La professeure souhaite maintenant élargir la portée de ses études afin qu’elles tiennent compte de l’effet systémique engendré par la pandémie et le confinement sur les demandeurs d’aide alimentaire, mais aussi sur les systèmes alimentaires d’urgence qui les soutiennent.

«Cette crise a entraîné des pertes d’emplois qui forcent de nouveaux chômeurs à demander de l’aide alimentaire et, en parallèle, plusieurs organismes ont dû ralentir leurs activités et certains ont même dû fermer boutique: il nous faut documenter les conséquences de cette pandémie sur ces systèmes», insiste Mme Mercille.

Ce souhait est d’ailleurs partagé par la vingtaine d’organismes partenaires des études, dont des cuisines collectives et des banques alimentaires, de même que d’autres qui offrent une gamme plus large de services d’accompagnement, dont l’aide à la réinsertion en emploi.

Une pandémie qui fragilise les banques alimentaires

Professeure à l’UdeM depuis quatre ans, Geneviève Mercille mène des travaux qui portent principalement sur l’insécurité alimentaire dans le but d’améliorer l’accès aux aliments sains pour les populations vulnérables.

Membre du conseil du Système alimentaire de Montréal ‒ créé il y a deux ans par la Ville afin d’élaborer une politique de gouvernance alimentaire ‒, elle est à même de constater les dégâts causés par la pandémie sur les systèmes alimentaires d’urgence.

Il faut savoir que pas moins de 250 organismes s’approvisionnent auprès de Moisson Montréal, et plusieurs comptent aussi sur la récupération des produits invendus des épiceries et sur les dons des restaurants dans leur quartier. Or, il y a moins de produits invendus et les restaurants sont fermés ou ont réduit de beaucoup leurs activités.

«L'approvisionnement est plus difficile, ce qui complexifie la redistribution auprès de ceux et celles qui sont le plus dans le besoin, explique Mme Mercille. Nos études visent à savoir comment les réseaux d’entraide se restructurent et se mobilisent.»

Mais en dépit de toutes ces difficultés ‒ et sans doute à cause d’elles ‒, les élans de solidarité et de générosité sont au rendez-vous.

«On voit plusieurs initiatives positives sur le terrain, conclut la professeure Mercille. Par exemple, des gens se sont proposés pour faire des livraisons à vélo, des employés de la Ville livrent de la nourriture dans certains quartiers et des chefs se sont concertés pour cuisiner plus de 1,6 million de repas par l’entremise de La tablée des chefs: c’est formidable!»

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