Dépister la COVID-19 sur son téléphone

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  • Le 11 juin 2020

  • Mathieu-Robert Sauvé
«La personne n’aurait qu’à déposer un échantillon de salive dans un dispositif rattaché au téléphone et elle obtiendrait son résultat en quelques minutes», dit Xavier Banquy.

«La personne n’aurait qu’à déposer un échantillon de salive dans un dispositif rattaché au téléphone et elle obtiendrait son résultat en quelques minutes», dit Xavier Banquy.

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Une équipe de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal travaille sur un dispositif d’autodiagnostic qui serait connecté à un téléphone cellulaire.

Une équipe montréalaise tente actuellement de mettre au point une technique de dépistage de la COVID-19 à laquelle on se soumettrait à partir de son téléphone cellulaire. «La personne n’aurait qu’à déposer un échantillon de salive dans un dispositif rattaché au téléphone et elle obtiendrait son résultat en quelques minutes», explique Xavier Banquy, professeur à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.

Ce dispositif, qui a démontré son efficacité en laboratoire mais n’a pas encore été expérimenté chez l’humain, comporterait de multiples avantages. En plus de diminuer le temps d'attente de la réponse, il désignerait les personnes porteuses asymptomatiques de façon précoce. Il permettrait en outre d’accroître les ressources de dépistage disponibles qui mobilisent actuellement des milliers de personnes au Québec. «Prenez un membre du personnel hospitalier qui doit se rendre au travail. S’il obtient un résultat positif, il reste chez lui et évite ainsi la propagation involontaire dans un milieu à risque», illustre le professeur Banquy.

Le prototype conçu par l’équipe de chercheurs et une compagnie montréalaise spécialisée dans les appareils de détection biomédicale (Plasmetrix) n’est pas plus gros qu’un lecteur de carte connecté au téléphone et mesure environ cinq centimètres carrés. Il s’agit en réalité d’un spectromètre miniature capable de détecter la présence d’une charge virale dans la salive à l’aide d’une technique d’imagerie. Dans l’échantillon d’une personne contaminée, il y a de 100 000 à un million de particules repérables par l’œil de la caméra.

Photographier les particules d’or

Xavier Banquy

Actuellement, les tests de dépistage les plus courants se basent sur des échantillons envoyés dans un laboratoire de microbiologie où la détection du virus se fait grâce à la réaction en chaîne par polymérase (mieux connue sous son sigle anglais PCR). Cette méthode repère des segments d’ADN du virus après les avoir multipliés. «Nous prenons un chemin différent, consistant à reconnaître directement la présence du virus dans l’organisme, sans aucune manipulation chimique ou technique d’extraction», indique Xavier Banquy.

La technique d’échantillonnage est identique à celle présentement utilisée en clinique: on introduit un coton-tige dans le pharynx et dans le nez du sujet pour prélever de la salive contenant le virus et l’anticorps. L’échantillon est ensuite déposé dans une éprouvette contenant une solution saline. À partir de là, l’examen de l’échantillon diffère selon la méthode élaborée par le professeur Banquy et deux étudiants diplômés (Jordan Robert et Pierre Luc Latreille). Plutôt que d’envoyer l’éprouvette en laboratoire, l’usager n’a qu’à déposer une goutte du mélange dans le dispositif. En moins de cinq minutes, il obtient son résultat. «Suivant les résultats du test, l’utilisateur décidera s’il peut ou non se rendre au travail.»

L’approche, relevant de la nanotechnologie, consiste à employer de minuscules bâtonnets d’or dont la couleur change en fonction de l’environnement où ils se trouvent. «Dans la salive, les nanobâtonnets prennent une couleur que le dispositif spectroscopique peut photographier avec précision», reprend M. Banquy.

Si un test suffit pour renseigner l’usager, le personnel spécialisé peut pousser l’analyse des résultats afin de préciser le niveau d’infection. Un système d’imagerie vidéo permet en effet d’observer l’évolution de la contamination. Moins d’une dizaine de laboratoires dans le monde ont une approche comparable, à son avis.

L’équipe a déposé deux demandes de financement pour développer le projet et attend des réponses. Le professeur Banquy souhaite évidemment des réponses positives, mais il croit que son dispositif trouvera preneur tôt ou tard. «Cette technique ultraportable de détection s’applique non seulement aux virus mais aussi aux bactéries, et peut donc être utilisée pour mener différents types de tests. C’est une fenêtre sur l’infiniment petit!» lance-t-il.

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