Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

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La chercheuse spécialiste des questions autochtones Marie-Pierre Bousquet parle du rôle de la recherche universitaire dans le processus de réconciliation entre les peuples autochtones et allochtones.

Marie-Pierre Bousquet

Crédit : Amélie Philibert

La découverte de centaines de sépultures anonymes près de pensionnats autochtones en Saskatchewan et en Colombie-Britannique au cours de l’été a poussé le gouvernement fédéral à faire du 30 septembre la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. L’objectif de ce nouveau jour férié (pour les entreprises de compétences fédérales) est de sensibiliser la population au sort tragique des enfants autochtones envoyés dans les pensionnats entre 1870 et 1990 et d’amorcer un processus de guérison.

Marie-Pierre Bousquet est professeure titulaire au Département d’anthropologie de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal et directrice du programme en études autochtones de l’UdeM.

Comment la recherche universitaire peut-elle contribuer à la réconciliation avec les Premiers Peuples?

La recherche universitaire a pour but d'établir des formes de savoir et aussi de montrer les connaissances des autres, comme celles des groupes autochtones qui ne sont pas forcément connues et qui n'ont pas forcément de place dans l’espace public. La recherche universitaire permet donc de les mettre en valeur et de les diffuser. La recherche peut aussi révéler différents enjeux que vivent les Premières Nations, les Inuits et les Métis, soulever des questions importantes et éventuellement conduire à des recommandations pour avoir, par exemple, de meilleures politiques publiques. Enfin, la recherche universitaire avec les Autochtones tend de plus en plus à être collaborative, à ne pas traiter uniquement les gens comme des participants, mais plutôt comme des collaborateurs de A à Z dans le processus de recherche, depuis l'élaboration du sujet jusqu'à la diffusion des résultats.

Quel rôle l'anthropologie peut-elle ou doit-elle jouer dans le processus de réconciliation?

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre parce que je ne pense pas que l'anthropologie soit la seule discipline à avoir un rôle à jouer. En anthropologie, les études sont longitudinales, c'est-à-dire qu’elles prennent du temps et qu'on retourne de nombreuses fois chez les mêmes personnes. On part de l'idée que, pour vraiment bien connaître les gens, il faut agir sur le long terme. On cherche à avoir des connaissances approfondies à partir de rencontres avec des personnes qui ont confiance en nous. Si elles n'ont pas confiance en nous, on ne peut pas faire de la bonne anthropologie, et la confiance est absolument essentielle dans le processus de réconciliation. C'est peut-être de ce côté-là que l'anthropologie a quelque chose à apporter.

Les découvertes des sépultures autochtones ont-elles eu une influence sur vos recherches?

Comme il n’y a pas si longtemps qu'on en parle, on ne peut pas dire qu’elles ont eu beaucoup de répercussions pour le moment. Mais j'ai davantage l'impression que l’effet est sur le grand public. Les ethnologues comme moi, les archéologues, les historiens n’ont pas été étonnés, car cela fait déjà un bout de temps que nous savons qu'il y a des sépultures d'enfants associées à des pensionnats. J'ai rarement vu autant d'intérêt pour mes recherches que cette année. D'habitude, les anthropologues ne sont pas très présents dans les médias, et je n'ai jamais été aussi sollicitée de toute ma vie pour parler de mes travaux. Ça m'a un peu impressionnée en fait.

La culture autochtone, qu'il s'agisse de musique, de littérature ou d’autres formes artistiques, obtient de plus en plus de place. Cela peut-il influencer vos recherches?

Oui, nettement. D'abord, ça me permet d'avoir du matériel extraordinaire de la part des Autochtones que je peux partager avec mes étudiants et étudiantes. C'est fantastique, tous ces balados, documentaires et films qui sont réalisés. Les Autochtones jeunes et moins jeunes prennent la parole et donnent leur version des choses, leur version de l'histoire, leur version de la réalité de la contemporanéité et j'en bénéficie aussi. Quelque part, je redeviens étudiante et je trouve ça extraordinaire. Et pour une fois, cela donne des images positives des Autochtones. Le fait qu'on leur laisse plus de place dans les médias, c'est primordial. On a souvent tendance à voir les communautés autochtones comme des endroits tristes où règne le désespoir à cause des gens qui boivent. Mais des gens qui ont des problèmes, il y en a partout. Dans les communautés autochtones, il y a aussi ce côté vivant où il se passe plein de choses et c'est bien qu'on le voit.

L’éducation à la réconciliation

Le 30 septembre se tiendra la 1re Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Sur la recommandation du comité Kwe Kwe, formé d’employées et employés issus des Premières Nations, l’Université de Montréal organisera plusieurs activités à cette occasion. La poète, parolière et réalisatrice innue Joséphine Bacon offrira un témoignage à la première personne qui permettra de revenir sur le passé des Premières Nations à partir d’une expérience concrète. Suivra une discussion sur le rôle que l’éducation pourrait jouer comme acteur de la réconciliation. Animée par Françoise Armand, secrétaire générale associée, elle mettra en vedette Marie-Pierre Bousquet, directrice du programme en études autochtones de l’UdeM, et Véronique Rankin, directrice générale du Wapikoni mobile.

Pour plus d’informations, consultez le calendrier des activités de l’UdeM.