Suicide et toxicomanie chez les jeunes: deux phénomènes interreliés

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Une méta-analyse menée au CHU Sainte-Justine et à l’UdeM révèle que les tendances suicidaires peuvent souvent précéder les troubles liés à l'utilisation de substances, pas seulement les causer.

L'idée parfois véhiculée voulant que les problèmes d’abus et de dépendance à l’alcool, au cannabis et à d’autres drogues conduisent à des tendances suicidaires chez les adolescents et les jeunes adultes est remise en question par les résultats d’une nouvelle étude menée au CHU Sainte-Justine et à l’Université de Montréal.  

«Pour la toute première fois, une méta-analyse révèle que les probabilités que les tendances suicidaires précèdent les troubles liés à l'utilisation de substances sont tout aussi fortes», mentionne Charlie Rioux, diplômée du doctorat au Département de psychologie de l’UdeM et au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et première auteure de l’étude, publiée en août dans PLOS ONE.

Adolescence: une période difficile

L'adolescence est souvent une période de grande vulnérabilité, de découverte et de recherche d’autonomie. Certains jeunes, pour diverses raisons, se tourneront vers la consommation de substances et se verront également aux prises avec des pensées et des comportements suicidaires.  

La consommation problématique de substances chez les jeunes et les troubles concomitants ont de multiples conséquences néfastes physiques et psychologiques. En parallèle, les tendances suicidaires, qui apparaissent et culminent généralement à l'adolescence, sont souvent le reflet d'autres problèmes de santé mentale. 

Plusieurs études ont montré que le lien entre la consommation de substances et la vulnérabilité aux idées suicidaires chez les adolescents et les jeunes adultes pourrait s'expliquer sur le plan du développement selon quatre hypothèses.  

Ici, l'équipe de recherche s’est concentrée sur 1) l’hypothèse que les troubles liés à la consommation de substances conduisent aux tendances suicidaires par une augmentation de la détresse psychologique et de l'impulsivité, ou une dépression entraînée par une substance, entre autres, et 2) l’hypothèse de l’automédication ou de l'utilisation de substances pour se faire accepter par ses pairs afin de faire face aux idées suicidaires. 

«Bien que plusieurs méta-analyses sur l'association entre la consommation de substances et les tendances suicidaires aient été menées récemment, aucune n’a permis d’établir comment elles peuvent s’influencer mutuellement», précise Natalie Castellanos-Ryan, chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure agrégée à l’École de psychoéducation de l’UdeM. 

Une vingtaine d’études sous la loupe

La méta-analyse a examiné 25 études publiées sur ces associations.  

Elle met en évidence un biais dans les recherches, celui d’avoir négligé le fait que les jeunes peuvent utiliser des substances pour faire face à leurs pensées suicidaires. L'étude met également en lumière le fait que les modèles de recherche de la grande majorité des études actuelles ne permettent pas de clarifier de quelle manière les troubles liés à l'utilisation de substances et aux tendances suicidaires peuvent se développer ensemble.  

Selon Jean Séguin, chercheur au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire au Département de psychiatrie et d'addictologie de l’UdeM, «si l’on veut diagnostiquer et traiter de façon appropriée et efficace le jeune en détresse, il est primordial d’éclaircir ces questions. En clinique, les intervenants ont tendance à se concentrer sur un problème ou l'autre, car les services de santé mentale et de toxicomanie ne sont souvent pas bien intégrés dans les soins d’urgence ou de première ligne». 

Une vigilance s’impose

L'étude indique que les troubles associés doivent être évalués et traités de manière concomitante et que les cliniciens doivent être vigilants quant à l'initiation à la consommation de substances chez les jeunes patients présentant des pensées suicidaires ou fait des tentatives de suicide. 

«Une meilleure compréhension de l'association développementale et bilatérale entre la consommation de substances et les tendances suicidaires et le fait de savoir comment celles-ci peuvent changer au cours des périodes de développement permettront d’améliorer les programmes de prévention et d'intervention selon le groupe d’âge», conclut Charlie Rioux.

À propos de l’étude

L’article «Substance use disorders and suicidality in youth: A systematic review and meta-analysis with a focus on the direction of the association», par Charlie Rioux, est paru en août 2021 dans la revue PLOS ONE. L’étude a été soutenue par le Fonds Monique Gaumond pour la recherche en maladies affectives, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Santé, la Fondation américaine pour la prévention du suicide et le Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés. 

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