Langue française en médecine: le bâton de pèlerin du Dr Serge Quérin

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Le monde médical québécois bénéficie, depuis près de 30 ans, des travaux du Dr Serge Quérin: le néphrologue et professeur est aussi l’auteur du «Dictionnaire des difficultés du français médical».

Serge Quérin

Le «syndrome de l’apnée du sommeil» touche beaucoup de gens au Québec. Or, cette appellation avec le mot apnée au singulier n’est pas appropriée: ailleurs dans la francophonie, on parle de «syndrome des apnées du sommeil», car les personnes qui en souffrent ont plusieurs épisodes d’apnée dans une même nuit.

Voilà un exemple parmi des milliers d’expressions ou de mots décortiqués par le Dictionnaire des difficultés du français médical, qu’a élaboré avec une grande minutie le Dr Serge Quérin, néphrologue à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et professeur au Département de médecine de l'Université de Montréal.

Cet ouvrage reconnu et utilisé dans toute la francophonie est issu d’une démarche de longue haleine qui a pour origine un stage de surspécialisation d’une année effectué à Paris.

L’épiphanie du français médical

«J’ai fait mes études de premier cycle en médecine à l’Université de Montréal de 1973 à 1978 et, à l’époque, la vaste majorité des manuels de cours et des références étaient en anglais, se remémore le Dr Quérin. Mais pendant mon stage à Paris, les conférences et les cours m’ont paru plus clairs que jamais: j’ai eu une épiphanie, comme si la justesse des mots, la précision des termes et, par conséquent, la valeur didactique des exposés m'étaient révélées!»

À son retour de Paris en 1984, le néphrologue entame sa carrière, puis devient aussi professeur à l’UdeM. En 1993, tandis qu’il est responsable du cours sur les reins et l’urologie donné aux étudiants de première et de deuxième année de médecine, l’idée de créer un glossaire en français lui vient à l’esprit.

«Au départ, je voulais offrir aux étudiantes et aux étudiants une sorte de minidictionnaire pour leur éviter de devoir chercher dans le gros et je me suis pris à mon propre jeu: j’ai rédigé un glossaire commenté avec des mises en garde sur l’utilisation des anglicismes et des erreurs de sens qui peuvent en découler», indique-t-il.

En plus d’exercer sa profession, il consacre alors de nombreuses soirées et fins de semaine à concevoir ce qui deviendra le Dictionnaire des difficultés du français médical, publié la première fois en 1998 et réédité trois fois. Et en 2019, il codirige un autre ouvrage phare, soit L’essentiel sur la néphrologie et l’urologie, rédigé avec une vingtaine de collaboratrices et collaborateurs.

«C’est devenu une passion de chercher à valoriser la langue française dans les autres domaines de la médecine clinique, à les décrire dans un langage clair, loin de l’argot des laboratoires, ajoute le spécialiste. Depuis, je me tiens à jour en écrivant des articles, en prononçant des conférences et, au fil des ans, la recherche terminologique est devenue ma principale activité.»

Un engagement qui se poursuit

L’engagement de Serge Quérin quant à la promotion de la langue française lui a valu, entre autres, d’être nommé officier de l’Ordre des arts et des lettres de la République française en 2020. Il a aussi reçu l’insigne de l’Ordre des francophones d’Amérique, du Conseil supérieur de la langue française, en 2016. Et l’aventure continue.

Membre du conseil d’administration de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation, le Dr Quérin travaille actuellement sur deux projets: l’un vise à revoir la terminologie française de la néphrologie en comparaison de la terminologie anglaise, l’autre porte sur le traitement classique de l’insuffisance rénale terminale.

Sa motivation, il la puise notamment dans une phrase qu’avait prononcée son collègue aujourd’hui décédé le Dr Michel Bergeron: «Tout citoyen, relate le Dr Quérin, a droit à une information scientifique dans sa langue: c’est vrai pour nos étudiants et étudiantes et ça l’est pour les prestations en classe, pour les notes de cours et pour les manuels.»

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