À la rencontre des jeunes véganes du Québec

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Pour Alexia Renard, étudiante au doctorat en science politique, le véganisme chez les jeunes est politique.

Alexia Renard

Alexia Renard

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Au Québec, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le véganisme. Après avoir réalisé une cartographie du mouvement végane au Québec dans le cadre de sa maîtrise, Alexia Renard se penche maintenant sur les jeunes véganes au Québec dans sa thèse de doctorat qu’elle fait sous la direction de Pascale Dufour, professeure au Département de science politique de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal. La coauteure du livre Que veulent les véganes? et coordonnatrice du Collectif de recherche Action politique et démocratie émet l’hypothèse que ce choix est politique. Elle nous en dit plus à ce sujet.

Pourquoi un engagement personnel au quotidien est-il un geste politique?

Je fais un parallèle avec le mouvement féministe, qui nous a montré que ce qui est personnel est politique. Les choix de contraception, les relations de couple, l’éducation des enfants ne sont pas que des choix privés. Ces sujets ont été souvent relégués au domaine familial au lieu d’être considérés comme politiques, du moins au sens noble de la conception héritière d’Aristote, consistant à débattre de l’avenir de la cité entre hommes. Les femmes et les enfants ont traditionnellement été exclus de ces débats politiques publics. Et pourtant, ce qui se passe dans le foyer est au premier chef politique.

De même, les actions personnelles des plus jeunes qui choisissent d’être véganes peuvent être ramenées dans la sphère politique. Après tout, on est généralement végane pour des raisons éthiques et environnementales. Quoi de plus politique?

Comment le choix de ces jeunes dépasse-t-il le cadre individuel?

Je dirais que la particularité de l’engagement des jeunes aujourd’hui, que ce soit sur des questions de genre, de féminisme ou d’environnement, c’est de pousser leur famille à s’interroger non seulement sur son mode de vie, mais aussi sur ses conceptions du monde. Par exemple, les jeunes véganes invitent leur cercle familial à repenser ses habitudes alimentaires. Les familles se sentent concernées lorsque leur enfant revient à la maison avec ces questionnements, les repas étant la plupart du temps un moment central de la vie quotidienne.

Les adolescents peuvent également avoir une influence sur leur cercle social à l’école en proposant des changements. Un des adolescents que j’ai rencontrés a ainsi réussi à mettre en place une option végane à la cafétéria de son école secondaire.

Pourquoi avoir choisi de vous intéresser à l’engagement politique des jeunes du secondaire?

L’engagement des jeunes du secondaire est un thème assez peu exploré. Quand on parle d’engagement chez les jeunes en politique, on s’intéresse souvent aux 18-30 ans. Étant donné qu’avant 18 ans les jeunes ne peuvent pas voter, on possède peu de données sur leur rapport à la politique. C’est notamment dû au fait que la science politique se penche surtout sur la politique institutionnelle et moins sur ce qui se fait en dehors des structures politiques traditionnelles.

Les jeunes sont une catégorie de la population dont on parle beaucoup et qu’on affuble de nombreux qualificatifs contradictoires. On les perçoit tout à la fois porteurs d’espoir et de craintes, dépolitisés et surpolitisés, incapables d’avoir une opinion politique ou encore instrumentalisés. Le traitement médiatique relatif à Greta Thunberg illustre bien cela. Nombreux sont ceux qui lui ont dénié le droit de parole en prenant pour prétexte son jeune âge. J’ai trouvé certains propos à son égard assez révoltants: comment peut-on dire aux jeunes, qui sont concernés au premier chef par leur avenir environnemental, qu’ils n’ont pas le droit de s’exprimer sur la question?

Cette manière de déconsidérer la parole des jeunes me laisse perplexe. Je veux ainsi travailler sur la façon dont ils font entendre leur voix.

Et peut-on savoir qui sont les jeunes véganes au Québec?

C’est un peu tôt! Je suis au début de ma recherche. Mais j’ai plusieurs hypothèses à leur sujet que j’aimerais valider.

Tout d’abord, je m’attends à ce que ce soit plus difficile pour un jeune en région d’être végane. Je pense qu’il est plus facile de trouver des produits véganes dans les grandes villes.

Je m’attends aussi à ce qu’il y ait plus de véganes de 17 ans que de 12 ans. En effet, les jeunes 12 ans ne sont pas encore autonomes sur le plan de l’alimentation et dépendent beaucoup plus de leurs parents à cet égard.

En outre, je prévois qu’il y aura plus de véganes parmi les jeunes femmes, car, d’après la littérature, la question de l’alimentation est un enjeu plus saillant pour elles.

Pour finir, je pense que chacun de ces jeunes sera sensibilisé aux enjeux environnementaux et, bien sûr, à la cause animale.

C’est ce que je vais vérifier dans mes recherches. D’ailleurs, si vous connaissez un ou une végane de 12 à 17 ans dans votre entourage, n’hésitez pas à m’écrire à l’adresse alexia.renard(at)umontreal.ca.

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