Développer le raisonnement clinique auprès de la relève en santé
- UdeMNouvelles
Le 11 octobre 2022
- Mylène Tremblay
Invité-vedette de la 5e Conférence internationale de Montréal sur le raisonnement clinique, Bernard Charlin relate le chemin qui l’a mené jusqu’au concept de formation par concordance.
Professeur titulaire au Département de chirurgie de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de pédagogie appliquée des sciences de la santé de l’UdeM, le Dr Bernard Charlin s’intéresse depuis 30 ans au raisonnement clinique en situation d’incertitude.
La formation par concordance est une approche pédagogique qui connaît un succès croissant dans plusieurs domaines, dont celui de la santé. Qu’est-ce qui vous a permis de l’élaborer?
La formation par concordance repose sur la théorie des scripts, selon laquelle, pour comprendre les situations cliniques auxquelles nous sommes confrontés, nous formulons des hypothèses et nous étudions les signes que présente le patient. Chacun d’entre eux fait l’objet d’un microjugement qui détermine s’il renforce ou affaiblit l’hypothèse. Lorsque les microjugements convergent, l’hypothèse est retenue. Dans le cas contraire, d’autres hypothèses doivent être émises.
Je me suis dit que, en s’intéressant à ces microjugements, on pouvait, en médecine, avoir une bonne idée de la qualité du raisonnement des futurs soignants. Cela m’a amené, dès 1998, à décrire les processus mentaux sur lesquels repose le raisonnement clinique et à créer un système d’évaluation que j’ai appelé «test de concordance de script».
Quinze ans plus tard, avec des confrères et consœurs de différentes professions de la santé, nous avons mené une étude basée sur la représentation graphique des processus en jeu dans le raisonnement clinique. Nous avons découvert que les processus sont semblables dans toutes les professions de la santé. Ce qui change entre les disciplines, c’est l’objet des processus de raisonnement.
En quoi ce modèle d’évaluation est-il innovant?
Le test de concordance de script est innovant pour deux raisons. D’une part, il permet d’évaluer le raisonnement dans les contextes d’incertitude qui caractérisent la pratique clinique. D’autre part, les microjugements portés par le candidat ou la candidate sont comparés avec ceux des membres d’un groupe de professionnels expérimentés. L’introduction des nouvelles technologies a permis d’enrichir la démarche. Sous forme de questionnaires en ligne, les étudiants et étudiantes répondent à une question donnée, puis voient la réponse du groupe – première source de rétroaction – ainsi que ses commentaires – deuxième source de rétroaction. Enfin, ils ont accès à une synthèse éducative – troisième source de rétroaction – qui contient souvent des hyperliens vers des ressources externes. L’ensemble crée une puissante méthode de formation nommée «formation par concordance». Dans le contexte de la COVID-19, elle a été particulièrement utile pour la formation à distance au raisonnement clinique.
La méthode de correction permet de donner un score qui repose sur le degré de concordance entre le jugement posé par l’étudiant ou l’étudiante et celui d’un groupe de cliniciens chevronnés.
Où en êtes-vous dans vos recherches aujourd’hui?
Parmi nos développements les plus récents figure la concordance de jugement, qui permet de former au jugement professionnel et à l’éthique. Il s’agit de regrouper des situations qui posent problème dans les hôpitaux sur le plan éthique, de proposer des réactions possibles, puis de demander aux étudiants et étudiantes d’évaluer l’acceptabilité des attitudes et comportements en cause selon l’échelle de Likert – qui va de «tout à fait inacceptable» à «tout à fait acceptable». Encore là, ils ont accès aux commentaires de praticiens respectés. Ce modèle de formation permet d’aborder des champs difficiles à enseigner et développe la réflexivité.
Pour plus d’informations sur les plus récents développements du raisonnement clinique, consultez le site de la 5e Conférence internationale de Montréal sur le raisonnement clinique.