Comment l’islam et le bouddhisme aident-ils des détenus?

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Pourquoi des détenus de prisons québécoises vont-ils puiser des ressources religieuses dans l’islam et le bouddhisme?

Alors que la diversité religieuse s’accroît au Québec, les établissements carcéraux doivent s’adapter à la diversité des besoins en matière religieuse de leur population. Des détenus se tournent vers des ressources de religions minoritaires telles que l’islam ou le bouddhisme. Pourquoi et quels avantages en tirent-ils?

Ce sont les questions que se sont posées Géraldine Mossière, professeure à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal, et l’une de ses étudiantes de doctorat, Catherine de Guise, qui mène également ses travaux à l’Institut de sciences sociales des religions de l'Université de Lausanne. Elles sont allées interroger à ce sujet des aumôniers en milieu carcéral et plusieurs personnes qui ont fait du bénévolat en prison.

Pour en savoir plus, nous nous sommes entretenus avec Catherine de Guise.

Qui sont les participants d’ateliers en lien avec le bouddhisme dans les prisons?

Une grande diversité de gens ont participé à des ateliers de méditation bouddhiste. Certains s’étaient convertis. D’autres percevaient la méditation comme un outil de développement personnel et adoptaient la méditation de façon séculière. D’autres encore étaient de confessions différentes.

En quoi ces pratiques religieuses permettent-elles d’aller mieux?

Ces pratiques agissent sur les plans corporel, éthique et des liens sociaux.

À l’échelon corporel, le bouddhisme convoque une certaine intériorité, qui permet de descendre au plus profond de soi et d’effectuer des transformations personnelles. Cela peut être très physique, certaines personnes ont ainsi pleuré. Une personne a aussi avoué avoir eu des prises de conscience en méditant. Un détenu a dit «Je réalise que quand je fais du mal aux autres, c’est à moi-même que je fais du mal». Quant à l’islam, la pratique de la prière peut avoir une autre portée.

Sur le plan éthique, l'islam correspond plus à un système normatif, à un code de conduite qui se décortique en plusieurs pratiques, que ce soit le code vestimentaire, le régime alimentaire ou encore la prière. Quant au bouddhisme, on parle plus d'une philosophie de vie basée sur des valeurs telles la bienveillance, l'autocompassion et l’impermanence. L'autocompassion résonnait particulièrement chez les détenus. On n'a en effet peu l'habitude d'éprouver de la compassion pour quelqu'un qui est désigné comme criminel. Se pardonner et avoir de la compassion pour soi était quelque chose que les détenus n’avaient pas l'habitude de faire.

Enfin, ces pratiques transforment les rapports communautaires. S’associer à l'islam signifie s'associer à un groupe porteur d'une identité forte. Cela assure également une certaine protection par les pairs. Quant aux ateliers bouddhistes, ils étaient généralement composés de trois parties: une discussion avec les bénévoles, une séance de méditation, puis une discussion de groupe. Dans la discussion de groupe, un espace sécuritaire se formait où les détenus se sentaient plus à l’aise d’exprimer leur vulnérabilité. Alors qu’ailleurs dans la prison les détenus doivent se montrer endurcis pour des raisons de sécurité, un espace pour manifester leur fragilité leur était ouvert.

Les établissements carcéraux font-ils une place équivalente au bouddhisme et à l’islam?

Le bouddhisme dont il est question en prison est un bouddhisme contemporain, occidentalisé, un peu évidé de sa dimension religieuse. On va en parler comme d’une philosophie ou d’une éthique avec un aspect plus subjectif, individualisé, centré sur le développement personnel. Ce bouddhisme porte une charge symbolique positive comparativement à l'islam, qui est très stigmatisé dans les sociétés du Nord.

Cette représentation du bouddhisme lui permet d’entrer plus facilement dans les prisons. Ainsi des bénévoles ont pu facilement donner des activités de méditation bouddhiste en les transformant en méditation de pleine conscience pour qu’elles deviennent séculières.

Les prisons devraient-elles mettre en place de nouvelles mesures en matière de spiritualité?

La diversité religieuse impose aux établissements pénitentiaires de repenser l'offre religieuse, de mettre en place de nouvelles mesures qui ne sont pas nécessairement très coûteuses. Dans les services de santé, il y a des intervenants en soins spirituels. Ces personnes ont une approche qui est séculière: elles vont partir du modèle religieux des détenus auprès de qui elles interviennent pour les accompagner. On pourrait offrir des stages dans les prisons pour les intervenants en soins spirituels. On pourrait aussi simplement garnir les bibliothèques de plus de lectures spirituelles et religieuses ou encore diversifier les activités avec des bénévoles.

En ce moment, le modèle qui prévaut est un modèle de gestion multiconfessionnelle: un aumônier et des bénévoles vont accompagner des gens de diverses confessions. On pourrait penser à un modèle interconfessionnel où les intervenants en soins spirituels offriraient un accompagnement qui serait mieux adapté aux besoins de chacun.

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