Les plus anciennes farines de l’histoire retrouvées
- UdeMNouvelles
Le 19 juin 2023
Une étude démontre que les humains et les Néandertaliens ont moulu de la farine il y a 43 000 ans, soit plusieurs milliers d’années plus tôt que l’on pensait, ce qui en fait une découverte majeure.
Bien avant l’invention de l’agriculture, les humains savaient déjà comment transformer les céréales et autres plantes sauvages en une farine adaptée à l’alimentation, et il existe maintenant de nouvelles preuves qu’ils le faisaient bien plus tôt que ne le pensaient les scientifiques.
Publiée le 9 juin dans Quaternary Science Reviews, une étude menée par des Italiens sur cinq anciens pilons datant d’il y a environ 39 000 à 43 000 ans montre que la mouture pour l’alimentation remonte à la période de transition entre l’homme de Néandertal et l’Homo sapiens.
«Cela repousse de plusieurs milliers d’années les premières traces de transformation des plantes et de production de farine», explique Julien Riel-Salvatore, coauteur de l’étude et professeur titulaire au Département d’anthropologie, dont il est le directeur.
«Un pilon provenant du Riparo Bombrini, un site du nord de l’Italie sur lequel mon collègue de l’Université de Gênes, Fabio Negrino, et moi-même travaillons depuis plus de 20 ans, montre que les Néandertaliens avaient également ce comportement, ce qui est tout à fait nouveau, à notre connaissance. Il s’agit donc d’une découverte majeure.»
La période de transition Néandertal/Homo sapiens se caractérise par la coexistence des techno-complexes du Moustérien tardif (Néandertal), de l’Uluzzien et du Protoaurignacien (H. sapiens) dans le nord-ouest et le sud-ouest de l’Italie d’aujourd’hui.
Les pilons proviennent de deux sites paléolithiques séparés par environ 1 000 km sur le versant de la mer Tyrrhénienne de la péninsule: Riparo Bombrini, dans la zone archéologique des Balzi Rossi en Ligurie, et la Grotte de Castelcivita, au pied du massif de l’Alburni, en Campanie.
Des granules d’amidon de morphologies différentes ont été trouvés à la surface des meules sur les deux sites, témoignant de l’utilisation de différentes plantes, y compris des céréales sauvages, par les humains qui habitaient ces régions à l’époque.
Diffusion de connaissances soulignée
La présence de pratiques de mouture similaires dans les deux contextes indique que certaines connaissances technologiques et habitudes alimentaires étaient répandues dans les deux populations, peut-être comme un héritage déjà présent dans les deux traditions culturelles différentes ou peut-être comme le résultat d’un contact direct entre les deux groupes.
Le pilon des niveaux moustériens du Riparo Bombrini constitue le plus ancien exemple européen de traitement et de transformation de produits végétaux en Europe et montre que les Néandertaliens s’adonnaient à cette pratique. Les deux pilons des niveaux protoaurignaciens du site montrent que les hommes modernes qui ont occupé le site moins d’un millénaire plus tard avaient le même comportement.
Deux pilons trouvés à la base et au sommet de la séquence protoaurignacienne de la Grotte de Castelcivita ont non seulement une morphologie similaire, mais présentent également des modifications intentionnelles pour les rendre plus fonctionnels.
Coordonnée par l’Institut italien de préhistoire et de protohistoire dans le cadre du projet PLUS_P (PLant USe in the Palaeolithic), l’étude a impliqué des chercheurs et chercheuses des universités de Florence, Gênes, Ravenne et Bologne, ainsi que de l’Institut chypriote, à Nicosie, et de l’UdeM.
«La transformation des céréales en farine est une innovation importante, car elle permettait aux chasseurs-cueilleurs du Paléolithique de stocker et de transporter la nourriture plus facilement», a souligné M. Riel-Salvatore. «Le fait de faire remonter ce comportement aussi loin dans le temps change vraiment notre façon d’envisager le mode de vie de ces populations très mobiles.»
À propos de cette étude
L’étude New evidence of plant food processing in Italy before 40ka, écrit par Marta Mariotti Lippi et coll., a été publiée en ligne le 9 juin 2023 dans Quaternary Science Reviews. La participation de l’UdeM à cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Fonds de recherche du Québec — Société et culture (FRQSC) et la Direction des affaires internationales.