Santé mentale au travail: un enjeu toujours préoccupant

La détresse psychologique au travail touche près de 4 personnes sur 10 au Québec, tandis que l'épuisement professionnel est le lot de plus d'une personne sur cinq.

La détresse psychologique au travail touche près de 4 personnes sur 10 au Québec, tandis que l'épuisement professionnel est le lot de plus d'une personne sur cinq.

Crédit : Getty

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Les plus récentes données de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail montrent que la santé mentale demeure un enjeu de taille dans les organisations, selon Alain Marchand, de l’UdeM.

Dans les milieux de travail québécois, les taux de détresse psychologique et la consommation de médicaments psychotropes sont revenus aux seuils d’avant la pandémie, mais il en est autrement pour les symptômes de dépression, d’anxiété et d’épuisement professionnel, qui se sont accrus. 

C’est ce qu’indiquent les données les plus récentes de l’étude longitudinale de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET), que dirige le professeur Alain Marchand, de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. 

Amorcée en 2019, cette étude suit l’évolution des symptômes relatifs à la santé mentale de 6602 personnes issues de 95 milieux de travail au Québec. Les données sont regroupées en fonction de cycles, dans les différents milieux et à différents moments:  

  • le cycle 1 couvre la période 2019-2021; 
  • le cycle 2 couvre la période 2020-2022; 
  • le cycle 3 couvre la période 2021-2023. 

Globalement, au cycle 3, la détresse psychologique touche 38,6 % des répondantes et répondants, tandis qu’entre 12 et 15,9 % rapportent des symptômes de dépression ou d’anxiété; 25,4 % disent vivre de l’épuisement professionnel et 22,4 % consomment des médicaments psychotropes.

Détresse psychologique: retour aux seuils d’avant la pandémie

D’abord la bonne nouvelle: les taux de détresse psychologique sont, en général, revenus à leur niveau d’avant la pandémie de COVID-19. 

Chez les hommes, ils sont restés pratiquement les mêmes, passant de 34,4 à 35 % du cycle 1 au cycle 3. Chez les femmes, ce taux est passé de 38,9 à 41,3 % au cours des mêmes cycles, mais avec un pic de 44,8 % au cycle 2. 

En tenant compte des tranches d’âge, tous genres confondus, ce sont les jeunes de 18 à 34 ans qui ont déclaré vivre le plus de détresse psychologique: la proportion de jeunes qui disaient en souffrir était de 40,5 % au cycle 1, 50 % au cycle suivant, puis 45,3 % au dernier cycle. À l’opposé, la détresse psychologique touchait une personne sur trois parmi les 50 ans et plus.

L’épuisement professionnel ne s’épuise pas

Alain Marchand

Alain Marchand

Crédit : Université de Montréal

D’une manière générale, l’épuisement professionnel ressenti entre les cycles 1 et 3 est demeuré à des niveaux similaires, après une baisse remarquée au cycle 2, c’est-à-dire au cours des deux années de pandémie. 

L’épuisement professionnel concernait moins d’un homme sur quatre (23 %) aux cycles 1 et 3 et moins d’un homme sur cinq (19 %) au cycle 2. Chez les femmes, ces taux ont varié de 28 à 24,8 % pour remonter à 26,5 % du cycle 1 au cycle 3.  

Les gens les plus touchés par l’épuisement professionnel sont les jeunes de 18 à 34 ans (de 27,4 à 30,5 % au cours des trois cycles), suivis des 35 à 49 ans (de 29,7 à 27,8 %).

Dépression et anxiété à surveiller

Les taux de dépression ont augmenté entre les cycles 2 et 3 parmi les participants, tous genres et tous âges confondus. Les femmes (17,3 % au cycle 3), les 35 à 49 ans (17 %) et les 18 à 34 ans (23,1 %) sont ceux qui rapportent le plus de symptômes. Néanmoins, entre ces deux cycles, les augmentations les plus significatives sont survenues chez les hommes (de 9,9 à 13,4 %) et les 35 à 49 ans (de 14 à 17 %). 

Les symptômes d’anxiété sont principalement le lot des 18 à 34 ans, avec des taux qui se sont maintenus à 19 % au cours des cycles 2 et 3. Si les taux d’anxiété sont demeurés relativement stables parmi les femmes (de 11,7 à 13,2 %) au cours de la même période, la hausse la plus importante est survenue chez les hommes, les taux étant passés de 8,1 à 11,5 %.  

Enfin, signalons que la consommation de médicaments psychotropes est restée stable entre les trois cycles. Ce sont surtout les femmes et les gens de 50 ans et plus qui en font un plus grand usage parmi les répondants (25,2 % au cycle 3 dans les deux cas).

Situation préoccupante pour les femmes et les jeunes

Selon le professeur Marchand, la situation des femmes et des jeunes s’avère particulièrement préoccupante. 

«Lorsqu’on examine l’évolution de ces atteintes dans le temps, la détresse psychologique et l’épuisement professionnel semblent avoir été influencés par les conditions liées à la pandémie de COVID-19, puisqu’ils se manifestent principalement à partir du cycle 2, mentionne Alain Marchand. Cependant, les données montrent que ces variations ont été ponctuelles, car les indicateurs retrouvent les niveaux prépandémiques au cycle 3.» 

Selon lui, les effets associés au confinement, à la crainte de la contamination et à l’obligation du télétravail semblent se diluer dans le temps avec la prévention de la contamination et le retour au travail en mode présentiel ou hybride. 

Toutefois, l’accroissement des symptômes dépressifs et anxieux observés chez les hommes entre le cycle 2 et le cycle 3 de même que les symptômes de dépression des 35 à 49 ans sont à surveiller. 

«Des analyses seront nécessaires pour expliquer ces variations, mais il est possible d’envisager une plus grande difficulté des hommes à reprendre une activité professionnelle qui implique des exigences liées aux déplacements pour se rendre au travail et, pour les personnes de 35 à 49 ans, un retour à de plus grandes difficultés de conciliation travail-famille et vie personnelle», conclut le directeur de l’OSMET.