Tout ce que vous ne savez pas sur le sucre

Les sucres sont des carburants qui fournissent l’énergie nécessaire aux organes pour fonctionner: nous ne pouvons pas survivre sans sucre dans le sang.

Les sucres sont des carburants qui fournissent l’énergie nécessaire aux organes pour fonctionner: nous ne pouvons pas survivre sans sucre dans le sang.

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En 5 secondes

Vous en mangerez certainement aujourd’hui. Sous la forme de chocolats, de friandises gélifiées, de bonbons durs, de caramels, de sucettes colorées. Mais connaissez-vous réellement le sucre?

Sans lui, les gâteaux ne seraient pas aussi décadents. Les crèmes glacées envoûtantes. Les fruits gorgés de saveur. Les viennoiseries ensoleillées. Les croquembouches époustouflants. C’est simple, le sucre enchante nos papilles.

Cristallisé, sirupeux ou liquide, ce doux composé est omniprésent dans notre alimentation. Et pourtant y sont attachés encore bon nombre de mythes, de la méconnaissance et des secrets tantôt fascinants, tantôt inquiétants.

Nouez vos tabliers, trois professeurs du Département de nutrition de l’Université de Montréal font la lumière sur ces petits cristaux, leur rôle dans notre régime alimentaire, leurs effets sur notre santé, leur fonctionnement, leurs conséquences sociales et environnementales.

Nécessaires dans notre alimentation…

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Les sucres font partie des glucides, une des trois grandes familles de macronutriments présents dans notre alimentation (avec les lipides et les protéines). Ce sont des carburants qui fournissent l’énergie nécessaire aux organes pour fonctionner: nous ne pouvons pas survivre sans sucre dans le sang.

Quand on ingère des glucides, une partie est utilisée pour donner de l’énergie immédiatement et une autre est emmagasinée dans le foie et les muscles pour une utilisation future. Ce n’est qu’en cas d’excès – lorsque le corps ne parvient pas à brûler les calories qui leur sont associées – que les glucides sont transformés en graisses et stockés dans les tissus adipeux.

… mais pas tous égaux

Ainsi parfois démonisés, les glucides devraient occuper de 45 à 65 % des calories quotidiennes totales, selon la professeure May Faraj. «Une récente étude américaine populationnelle auprès des milliers de sujets adultes suivis pendant environ 25 ans a révélé que les gens qui allaient chercher de 50 à 55 % de leur énergie totale dans les glucides avaient le plus bas taux de mortalité, alors que ceux chez qui les glucides constituaient plus de 70 % ou moins de 40 % de leurs calories avaient les taux les plus élevés», indique-t-elle.

Toutefois, ces glucides devraient principalement provenir d’aliments qui ont une valeur nutritive intéressante, souligne May Faraj, «c’est-à-dire des aliments riches en vitamines, en minéraux et en fibres, comme les fruits et les légumes, les légumineuses ou encore les produits céréaliers à grains entiers. Moins de 10 % des calories quotidiennes totales devraient provenir des sucres ajoutés, soit le sucre semoule, la cassonade, le fructose, le sirop de maïs, le miel, le sirop d’érable, etc.».

Le sucre, drogue légale?

Manger du sucre active immédiatement le circuit cérébral de la récompense et déclenche ultimement la sécrétion de dopamine, une molécule qui joue un rôle dans l’effet de récompense et qui renforce notre comportement. 

«Cet effet de récompense survient dès l’ingestion par la bouche, mais l’effet se poursuit quand les neurones du tube digestif détectent le sucrose, rapporte la professeure Stéphanie Fulton. Cette sécrétion de dopamine renforce alors le comportement associé au goût sucré et elle semble encore plus importante lorsque le sucre est combiné avec le gras.»

La professeure précise toutefois qu’on ne peut pas devenir «dépendant» du sucre dans le sens pathologique du terme, même si ce composé active le même système que les drogues ou l’alcool et peut entraîner une consommation compulsive.

«On ne peut pas parler de toxicomanie quand il est question du sucre, puisqu’il ne provoque pas l’accoutumance et le syndrome de sevrage et n’entrave pas la vie quotidienne ni n’interfère avec la vie personnelle ou professionnelle de la même manière que le fait l’abus de drogue», poursuit Stéphanie Fulton.

L’estomac à desserts, un concept pas si fou

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Comme les aliments sucrés ont un effet de récompense, le cerveau parvient à passer par-dessus la sensation de satiété pour atteindre ce «plaisir». Si le sucre a cette capacité à dépasser les mécanismes homéostatiques, Stéphanie Fulton ajoute qu’il y a aussi une part d’apprentissage et de désir de variété gustative.

«Pendant l’enfance et l’adolescence, on apprend que même si l’on n’a plus faim, on peut avoir cette récompense. Et il y a l’effet du changement de goût en bouche: la plupart des mets principaux étant plutôt salés s’impose alors le sucré du dessert comme variation», dit-elle.

Les «bibites à sucre»

Selon Stéphanie Fulton, les individus qui sont particulièrement friands de sucreries seraient le produit de l’interaction entre la génétique et l’environnement.

D’une part, une personne qui a été élevée dans un foyer qui favorise la consommation de sucre aura tendance à y être plus habituée. D’autre part, il existerait des gènes responsables d’une envie augmentée pour le sucre, mais ils seraient plutôt associés à la maîtrise de soi et à l’impulsivité.

Analgésique et antistress?

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Des études ont montré que le sucre diminuerait la sensation de douleur surtout chez les bébés et les jeunes enfants. Aussi, manger un aliment sucré réduirait à court terme le niveau de cortisol des personnes vivant des situations de stress modéré.

«Le stress est un état négatif que le sucre parvient à amoindrir en stimulant l’effet de récompense. À long terme et en grandes quantités, le sucre a, bien sûr, des conséquences néfastes sur les organes et le système nerveux, mais consommé avec modération, le sucre n’a pas d’influence délétère», mentionne Stéphanie Fulton.

Une douceur qui laisse un goût amer

Le sucre est un produit de base qui s’échange sur le marché mondial au même titre que le pétrole, le blé, le café ou le coton. Il provient principalement de la culture de la canne à sucre, une industrie qui a des répercussions sociales et environnementales significatives. Si elles varient en fonction des pratiques agricoles et des politiques locales, le tableau semble sombre au Nord comme au Sud.

D’abord, le Fonds mondial pour la nature nous apprend que la culture de la canne à sucre est l’une de celles qui demandent le plus d’eau, qu’elle mène à une érosion massive des sols et à une contamination des eaux, en plus de contribuer à la déforestation et à la pollution atmosphérique (les résidus de la plante sont brûlés).

Ensuite, l’industrie sucrière est historiquement liée à l’esclavage. Encore aujourd’hui, les conditions sanitaires et économiques de cette culture sont douteuses.

Le professeur Malek Batal a récemment été témoin des conséquences de la production de sucre au cours d’une visite à Champerico, une région productrice de canne à sucre au Guatemala.

«J’ai constaté un droit à la terre non respecté, une contamination élevée de l’eau et une forte présence de maladies de la peau en raison des pesticides, de hauts taux de diabète, un air pollué, une pauvreté très visible, raconte le professeur. Sans parler des enlèvements et des assassinats ciblant les personnes qui s’insurgent contre les grandes compagnies qui contrôlent cette production.»

Face à une telle réalité, Malek Batal invite à consommer davantage de sucre certifié par Fairtrade Canada pour soutenir les communautés et la production durable.

Encore plus de mythes à déboulonner

  • Les sucres naturels, comme le miel et le sirop d’érable, ne sont pas «meilleurs pour la santé» que le sucre raffiné. Les nutriments qu’ils contiennent sont présents en trop faible quantité pour les considérer comme une source nutritive plutôt qu’une source calorique.
  • Il est faux de croire que le sucre rend les enfants agités, hyperactifs. Il s’agit plutôt d’une question de contexte. «Le sucre n’a pas d’influence directe sur les centres neuronaux responsables des mouvements. C’est parce que, bien souvent, les contextes de consommation de sucre – fêtes d’anniversaire, Halloween, Noël, etc. – sont associés au plaisir et, quand les enfants sont heureux, ils ont tendance à bouger plus», précise Stéphanie Fulton.

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