Pour une qualité architecturale plus inclusive et durable au Canada

Le consortium Atlas vivant de la qualité en architecture et dans l’environnement bâti réunit plus de 70 chercheurs de 14 universités canadiennes et d'une soixantaine d'organisations citoyennes, municipales, publiques et professionnelles.

Le consortium Atlas vivant de la qualité en architecture et dans l’environnement bâti réunit plus de 70 chercheurs de 14 universités canadiennes et d'une soixantaine d'organisations citoyennes, municipales, publiques et professionnelles.

Crédit : GETTY

En 5 secondes

Le professeur Jean-Pierre Chupin dirige un partenariat pancanadien qui, d’ici 2027, vise à élaborer des feuilles de route pour rendre plus inclusifs et durables les projets d’architecture au pays.

Comment intégrer l’expérience de la qualité architecturale vécue par les usagers, les représentants des milieux marginalisés tout en créant des lieux publics plus inclusifs et démocratiques?

Et comment former les futures générations de professionnels, d’acteurs sociaux et d’intervenants municipaux pour renforcer leur compréhension et leur capacité d’action quant à des architectures et des paysages urbains au service de l’épanouissement de toutes les différences?

Ce sont là les deux principales questions auxquelles cherchent à répondre au sein d’équipes interdisciplinaires et intersectorielles plus de 70 chercheurs de 14 universités canadiennes et d'une soixantaine d'organisations citoyennes, municipales, publiques et professionnelles.

Près de 180 personnes avaient d’ailleurs rendez-vous à Halifax, du 1er au 3 mai, pour marquer la mi-parcours de cet important partenariat. Elles ont participé à des ateliers pour présenter la première version des 14 hypothèses de solution – ou feuilles de route – devant mener à des travaux d’architecture à valeur sociale pour le rehaussement de la qualité des environnements construits au Canada.

Nommé Atlas vivant de la qualité en architecture et dans l’environnement bâti, ce consortium est piloté depuis 2022 par le professeur Jean-Pierre Chupin, de l’École d’architecture de l’Université de Montréal, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en architecture, concours et médiations de l’excellence.

La nécessité de se remettre en question

Les partenaires du projet coordonné par l’UdeM: de gauche à droite, assis, Virginie LaSalle, Nathalie Dion, Jean-Pierre Chupin, Anne Cormier, Isabelle Cardinal, Sarah Huxley et Victorian Thibault-Malo; et debout Izabel Amaral et Carmela Cucuzzella.

Crédit : Bechara Helal

L’idée de réunir un large bassin de partenaires issus des milieux de la recherche et de la société civile est née peu avant la pandémie et s’est concrétisée au cours des deux années qui ont suivi.

«Devant les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion, les milieux de la recherche en architecture dans toutes les écoles du pays ont compris qu’il y avait une convergence de crises en matière de qualité dans l’environnement bâti au Canada: de la crise climatique à la crise du logement et autant de crises urbaines liées à l’inclusion, l’itinérance, l’accessibilité sans oublier les crises patrimoniales et territoriales», indique Jean-Pierre Chupin.

Cette urgente remise en question a permis d’obtenir un financement de 8,5 M$, soit 2,5 M$ du Conseil de recherches en sciences humaines et 6 M$ des partenaires universitaires, communautaires, municipaux, institutionnels et professionnels.

Depuis le début du partenariat, les parties prenantes font alterner des actions locales et nationales dans 14 situations considérées comme critiques au pays. Elles se réunissent lors de congrès annuels – le premier ayant eu lieu à Montréal en 2022 et le deuxième à Calgary l’année dernière – où elles font état de l’avancement de leurs travaux et mettent en place des hypothèses pour des stratégies nationales d’amélioration de la qualité.

Des projets inclusifs axés sur des besoins essentiels

Jean-Pierre Chupin

Crédit : Université de Montréal

Deux grands principes orientent les membres des 14 équipes de recherche: celles-ci doivent systématiquement inclure trois groupes, outre les universitaires: des citoyens, des acteurs de la commande publique et des représentants des professionnels. «Ensuite, leurs feuilles de route respectives doivent reposer sur des besoins essentiels recensés à proximité de leur université d’attache et sur la compréhension des expériences vécues, ajoute Jean-Pierre Chupin. Chaque projet doit être situé dans un contexte social et fonctionner selon une stratégie ascendante.»

Ainsi, à Montréal, l’équipe coordonnée par l’UdeM travaille sur les lieux pour personnes aux besoins spéciaux, tandis que celle dirigée par l’Université Concordia se penche sur la biodiversité urbaine. En parallèle, l’équipe de l’Université McGill envisage la conception nocturne des villes pour les communautés marginalisées.

Pour leur part, l’Université de Toronto et l’Université de la Colombie-Britannique étudient la résilience équitable des espaces ouverts et des parcs urbains, alors que l’Université de Calgary et l'Université métropolitaine de Toronto (auparavant Ryerson) réfléchissent sur des approches urbaines inclusives, dont l’accessibilité dans les endroits publics donnant sur le lac Ontario.

De leur côté, l’équipe pilotée par l’Université de Waterloo aborde la crise du logement social, celle de l’Université Dalhousie les milieux de scolarisation, l’Université Laval travaille sur les processus de gestion de la qualité à l’échelle urbaine et l’Université Carleton s’interroge sur la réutilisation adaptative et patrimoniale. Enfin, des équipes dans le nord de l’Ontario, au Manitoba et en Alberta se consacrent aux problématiques – on ne peut plus urgentes – du logement et de l’accès à des lieux de vie dignes et de qualité dans les communautés autochtones.

Un partenariat pour composer avec la complexité

Selon le professeur Chupin, tous ces projets constituent une forme de «recherche en série» réalisée par des universitaires et des partenaires qui «adhèrent à une hypothèse forte voulant que seul un processus de conception partenarial puisse, dans un futur proche, permettre de faire face à une telle complexité sans retomber dans la fragmentation en silos des expertises, souligne-t-il. Seule une collaboration intersectorielle, nourrie adéquatement du partage des expériences vécues, sera en mesure de favoriser la prise en compte des besoins et des attentes de toutes et de tous».

Ce grand projet s’articule autour de la constitution d’une plateforme numérique financée par la Fondation canadienne pour l’innovation. Il s'agit d'une cartographie d’expériences et de propositions qui vise à la fois des changements pédagogiques et la création de solutions ancrées dans la culture des lieux et des territoires. Pour Jean-Pierre Chupin, ce n'est rien de moins que «le plus beau projet auquel j’ai été amené à contribuer dans ma carrière de chercheur et d’enseignant».

L’UdeM à la fois pilote et partie prenante

Outre Jean-Pierre Chupin, qui coordonne le partenariat à l’échelle du Canada, plusieurs membres du corps professoral de l’UdeM y jouent un rôle important: la doyenne de la Faculté de l’aménagement, Carmela Cucuzzella, qui codirige le comité de gouvernance et le comité de pilotage depuis l’origine du projet en 2019; l’architecte et professeure Anne Cormier; la directrice de l’École d’architecture, Izabel Amaral; et Vincent Larivière, chercheur en bibliothéconomie. Le projet mené par l’UdeM est coordonné par les professeurs Virginie LaSalle, de l’École de design, et Bechara Helal, de l’École d’architecture. Tous deux travaillent sur la feuille de route intitulée Vers une intégration créative de l’accessibilité qualitative pour toutes et tous.

Les représentants citoyens de ce projet viennent de la Fondation Véro & Louis, de la Société Logique et de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Les acteurs professionnels sont issus des bureaux Provencher, Roy et associés; EVOQ architectes; Affleck de la Riva; et Chevalier, Morales, architectes. Des représentants de l’Ordre des architectes du Québec et de l’Association des architectes en pratique privée du Québec sont aussi engagés dans le projet. Enfin, les représentants de la Ville de Montréal sont des membres du Service de la gestion et de la planification des immeubles et du Bureau du design.