Des contaminants «éternels» dans notre nourriture?
- UdeMNouvelles
Le 10 juillet 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Cet été, le chercheur en chimie environnementale Sébastien Sauvé s’intéresse à la présence de PFAS, des produits chimiques nocifs pour la santé, dans notre panier d’épicerie.
Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) sont des produits chimiques dits «éternels» en raison de leur dégradation très lente et de leur persistance dans l’environnement. Omniprésents, ces contaminants sont néfastes pour la santé humaine et font ainsi l’objet de mesures restrictives pour l’eau potable.
Or, dans la population en général, l’exposition aux PFAS proviendrait principalement de la nourriture. Mais peu de données scientifiques nous renseignent sur les concentrations de PFAS dans les différentes denrées vendues à l’épicerie.
Dans quelle mesure les aliments que nous consommons sont-ils contaminés? Quels types de produits sont les plus susceptibles de contenir des niveaux élevés de PFAS? Mais aussi de quelle façon finissent-ils par devenir contaminés?
Autant de questions auxquelles comptent répondre Sébastien Sauvé, professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal, et Marc-André Verner, professeur à l’École de santé publique de l’UdeM. Ensemble, ils prévoient étudier l’exposition aux PFAS dans le panier d’épicerie québécois.
Une vaste cueillette
Depuis quelques mois, l’équipe du chercheur en chimie environnementale se rend dans plusieurs épiceries et établissements de restauration rapide du Québec pour recueillir différents aliments: poissons, fruits de mer, viandes, produits laitiers, protéines végétales, corps gras, œufs, pains, fruits et légumes, mets préparés, etc.
«On vise une distribution très variée pour savoir s’il y a des produits contaminés principalement à cause des matières premières utilisées ou si la contamination est le fait du processus de manutention. Aussi, on se demande s’il y a une différence entre les produits congelés et les frais, ceux emballés dans du plastique, ceux qui sont biologiques, les poissons d’élevage et les poissons sauvages, ceux de différentes régions du monde», mentionne Sébastien Sauvé.
Si le tableau général est actuellement encore imprécis, les données préliminaires indiquent que certains poissons (surtout les prédateurs en haut de la chaîne alimentaire), certains fruits de mer (notamment les organismes filtreurs) et certaines viandes contiendraient des niveaux plus élevés de PFAS. Les produits laitiers semblent intermédiaires et les produits végétaux montrent des concentrations très faibles, voire difficiles à détecter.
«On a aussi la présomption que le foie et les autres abats seraient en général des produits qui accumulent davantage les contaminants, tout comme les denrées ultratransformées, puisque plus manipulées», ajoute le chercheur.
Cibler les causes pour intervenir en amont
En caractérisant une diversité de produits agroalimentaires, Sébastien Sauvé et son équipe cherchent aussi à déterminer les principales sources de PFAS pour éventuellement proposer des pistes de solution. Les causes potentielles vont des pratiques agricoles qui contaminent les sols aux emballages traités aux PFAS en passant par les habitats naturels contaminés.
«À terme, on souhaiterait pouvoir influencer des balises gouvernementales pour interdire ou règlementer certains emballages, intrants agricoles, méthodes de transformation, voire limiter les importations alimentaires de régions du monde particulièrement contaminées», précise le professeur.
Car, ultimement, ce projet vise à réduire l’exposition de la population québécoise aux PFAS et ainsi à diminuer les effets délétères de cette contamination sur la santé humaine. Rappelons que les PFAS sont bioaccumulables et que ces substances peuvent affaiblir la réponse immunitaire, perturber le bon fonctionnement du foie et de la thyroïde et augmenter les risques de cancer du rein.