Des recommandations pour mieux nous préparer à une prochaine pandémie
- UdeMNouvelles
Le 5 novembre 2024
Santé Canada a publié le rapport qu’un groupe d’experts, dont fait partie Éric A. Cohen, a produit en vue de mieux nous préparer à une prochaine pandémie.
Santé Canada vient de publier le rapport d’un comité chargé d’examiner l’approche fédérale en matière d’avis scientifiques et de coordination de la recherche pour nous préparer à une prochaine pandémie. L’un des membres du groupe, Éric A. Cohen, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et directeur de l’unité de recherche en rétrovirologie humaine à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, répond à nos questions.
Vous avez consulté plus de 300 personnes dans les ministères, les organismes de santé publique, les universités et le secteur privé pour produire ce rapport. Pourquoi avez-vous accepté de relever ce défi et quel était votre rôle dans le comité?
Le groupe étant majoritairement constitué de spécialistes en santé publique, j’y apportais l’aspect recherche et innovation. J’ai accepté le mandat, car durant la pandémie j’avais fait certains constats sur la coordination de la recherche et je me questionnais par rapport à la réponse apportée. De plus, j’ai senti une réelle volonté de tirer des leçons de la pandémie, ce qui m’a donné confiance quant au fait que nos conclusions et nos recommandations seraient prises en considération. La nomination à la présidence du comité de sir Mark Walport, qui a été l'un des acteurs de la réponse à la pandémie au Royaume-Uni, donnait aussi de la crédibilité à la démarche.
La première grande conclusion du rapport est que le Canada doit agir dès maintenant pour mieux gérer la prochaine urgence sanitaire. Que faut-il faire exactement?
Le Canada n’a pas de registre des risques possibles, comme un virus, une bactérie, un accident nucléaire, etc. Or, c’est très important si on veut les voir venir. Il faut mettre en place des installations et des processus pour répondre aux différents types de risque et pouvoir rapidement les activer au besoin. Il n’y avait rien de tel pour la COVID-19. Nous avons aussi signalé, comme plusieurs autres rapports, que le Canada a un problème en ce qui a trait aux données personnelles qui ne sont pas accessibles aux chercheurs et aux chercheuses pour des raisons de confidentialité. Or, certains pays réussissent à préserver la confidentialité des données tout en les exploitant. Lorsqu’on est dans une situation d’urgence comme une pandémie, avoir accès aux données de la population peut changer les choses.
La deuxième grande conclusion du rapport est qu’il faut une meilleure coordination pancanadienne de la recherche et des avis scientifiques.
Oui. Le gouvernement bénéficiait de conseils scientifiques pendant la pandémie, mais chaque instance gouvernementale avait son comité et parfois ces comités se contredisaient. Il faut créer un comité consultatif central au Canada prêt à être réactivé en cas de besoin et capable de réunir des expertises larges et pertinentes. Il faut avoir une certaine transparence aussi en rendant les recommandations publiques le plus rapidement possible et en précisant le degré de certitude qui soutient ces recommandations. Cela améliorerait grandement l’adhésion du public et sa confiance. Puis, il faut revoir le financement de la recherche pour répondre aux questions les plus pressantes en cas de pandémie.
Les dernières conclusions sont notamment d’aborder les déterminants sociaux et structuraux de la santé, puis d’intégrer l’expertise en santé autochtone aux processus de coordination de la recherche et des avis scientifiques. En quoi est-ce si important?
Les déterminants sociaux n’ont pas été suffisamment pris en compte pendant la pandémie, que ce soit sur le plan de la recherche ou sur celui des avis scientifiques. Il s’est écoulé du temps avant qu’on réalise que tous n’étaient pas touchés de la même façon par la COVID-19. Il faut faire plus de recherche dans le domaine pour se préparer à une prochaine pandémie et en atténuer les répercussions sur les populations les plus vulnérables. C’est la même chose pour les Premiers Peuples. Il faut intégrer plus d’experts en santé autochtone dans les différents comités pour qu’ils apportent leur perspective dans les processus décisionnels qui les concernent.
À quoi peut-on s’attendre à la suite de la publication de ce rapport?
Il faudra de la volonté politique pour appliquer les recommandations. C’est important parce que, quand surviendra la prochaine pandémie, le virus pourrait être plus virulent et plus de temps pourrait être nécessaire aussi avant qu’on trouve un vaccin ou un traitement. Notre groupe s’est donné la mission de réaliser un suivi auprès de la communauté pour s’assurer que le gouvernement fera ses devoirs.