Protéger l'environnement, c’est bon pour la santé!

De plus en plus! Avec le renouveau du programme de médecine, nous avons intégré les questions écologiques de façon transversale. Nos futures et futurs médecins seront formés pour reconnaître les conséquences des défis écologiques sur la santé des patients: chaleur, pollution, écoémotions, infections émergentes et plus encore. Ce qui est plus intéressant, c’est qu’ils auront aussi des cours sur le leadership en matière de soins écoresponsables. Nous espérons ainsi que la nouvelle formation leur permettra de répondre aux inquiétudes grandissantes de santé planétaire auxquelles ils seront confrontés tout au long de leur carrière.

La santé planétaire nous permet de concevoir la santé non pas comme exclusive au réseau de la santé et au système hospitalier, mais comme ancrée dans l'environnement où nous évoluons. Si nous voulons réduire les inégalités de santé et améliorer la qualité de vie de tout le monde, nous ne pouvons plus ignorer les impératifs écologiques. La santé planétaire nous ramène donc à l'essentiel: pour que nous soyons en santé, les écosystèmes doivent l'être tout autant.

Oui, complètement! La réponse est de plus en plus évidente avec les zoonoses. Dans un sens, les écosystèmes ont une meilleure capacité d'assurer leur propre équilibre. Les pressions humaines viennent toutefois créer des failles qui permettent à des agents potentiellement dangereux pour nous d'en profiter. Il y a des interactions complexes dans le monde vivant, certaines encore inconnues de la science. Dans mon livre, je raconte l'histoire des vautours en Inde, dont la population a été complètement décimée par un anti-inflammatoire donné aux bovins. Résultat: éclosion de cas de rage chez les chiens errants et décès chez les humains.

Avec l'initiative Prescri-Nature, c'est exactement ce que nous essayons de faire! J'étais moi-même sceptique quant aux bienfaits sur la santé de l'exposition à la nature avant d'en faire mon sujet de maîtrise. Pourtant les données sont très claires: à une échelle populationnelle, être dans la nature réduit la mortalité cardiovasculaire de manière significative. À l'échelle individuelle, les gens qui passent plus de temps en nature, de deux à trois heures par semaine, rapportent un meilleur état de bien-être global. Une exposition courte de 15 à 20 minutes suffit à réduire les taux salivaires de cortisol! La liste des autres bienfaits ne cesse de s'allonger: stabilisation des glycémies, diminution des douleurs chroniques, restauration cognitive, amélioration de la concentration… À mon avis, cette piste thérapeutique mérite d'être exploitée davantage par les professionnels de la santé dans différents contextes, comme adjuvant d'autres traitements – notamment parce qu'il n'y a aucun effet indésirable rapporté, ce qui est exceptionnel dans le monde médical!

Il ne faut jamais oublier que nous sommes des modèles pour nos patients. En montrant l'exemple au cabinet, nous pouvons inciter les gens à changer leurs habitudes de vie. Lorsque nous prenons la parole publiquement, nous pouvons contribuer aux changements de perspectives. Nous l'avons vu dans le cas de Rouyn-Noranda et de la Fonderie Horne récemment ou il y a quelques années au Québec avec les questions liées à l'énergie nucléaire.

Il est tout à fait possible d'opter pour des soins écoresponsables tout en maintenant, et même en améliorant, la qualité des soins. Comme le rappelait le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, les systèmes de soins devraient prêcher par l'exemple et non pas contribuer au fardeau climatique. Différentes initiatives, que ce soit en Angleterre ou même ici, au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, vont dans ce sens.

Depuis bientôt cinq ans, je vois une évolution fulgurante dans le discours sur la crise écologique, particulièrement dans le monde médical. Les gens se mobilisent et s’impliquent en plus grand nombre au sein de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement. Ça me confirme que nos idées passent et sont transformatrices. La crise climatique est terrifiante. Mais je suis persuadée que tous les gains réalisés vont se traduire par des vies sauvées et des gens plus heureux. C’est ma plus belle motivation.