Traquer les particules fines dans l’atmosphère de Rouyn-Noranda et de Montréal
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Pas de vacances pour la science! Article 29 / 40
Tandis que les préoccupations environnementales occupent une place grandissante dans l'actualité québécoise, le professeur Patrick Hayes, du Département de chimie de l’Université de Montréal, dirige deux projets visant à mieux caractériser la pollution de l'air.
À l’aide de technologies de pointe, ses équipes et lui s’affairent à mesurer avec une précision accrue la concentration de particules fines et de métaux toxiques du côté de Rouyn-Noranda, où la question de la qualité de l'air suscite des inquiétudes persistantes depuis des années, et dans les rues de Montréal, où la pollution urbaine reste encore mal comprise.
Rouyn-Noranda: surveiller la présence d’arsenic autour de la fonderie Horne
À Rouyn-Noranda, la pollution de l’air est un sujet délicat. Pour répondre aux préoccupations citoyennes, Patrick Hayes et son équipe ont installé une série d’échantillonneurs de pointe autour de la fonderie Horne, qui collabore activement au projet. Leur mission: mesurer avec précision la concentration de particules et leurs composants dans l’air ambiant, dont l’arsenic, le plomb et le cadmium.
Financé par le Fonds de recherche du Québec, le projet mobilise une équipe de recherche composée de cinq personnes, soit l’étudiante de maîtrise Marie-Pier Reid et les chercheurs postdoctoraux Aaron Goodman et Emmet Norris, ainsi que les professeurs James King, du Département de géographie de l’UdeM, et Kevin Wilkinson, du Département de chimie.
Sur place, trois types d’instruments ont été utilisés: l’échantillonneur Coriolis, un appareil portatif qui permet de mesurer les variations de concentration à différents points autour de la fonderie; le MOUDI, installé directement sur le terrain de la fonderie, qui capte les particules ultrafines (PM0,1); et, enfin, des capteurs autonomes qui prennent des mesures de façon continue pour étudier l’évolution des émissions sur le long terme.
L’échantillonneur Coriolis est une nouvelle méthode d’échantillonnage: l’air est aspiré dans un réservoir rempli d’eau qui piège les particules métalliques. «Cette technique nous permet d’analyser rapidement les concentrations de métaux et d’autres éléments et de cartographier les variations spatiales et temporelles des métaux aéroportés», explique Patrick Hayes.
Grâce à ce système, environ 500 échantillons ont déjà été recueillis sur le terrain de la fonderie et dans les quartiers autour et feront l’objet d’analyses dans les mois à venir.
Montréal: un drone pour mesurer la pollution dans le ciel
Pendant que l’équipe analyse l’air à Rouyn-Noranda, un autre projet prend son envol à Montréal. Sur le campus MIL de l’Université de Montréal, Patrick Hayes et des techniciens des départements de chimie et de géographie testent un drone équipé de capteurs qui mesurent la concentration de particules fines (PM2,5) et de la suie à différentes hauteurs pour obtenir un profil vertical de la pollution atmosphérique à certains endroits de la ville.
Les premiers vols d’essai ont été effectués avec succès début juin, après l’obtention des licences de pilotage. L’équipe prévoit ajouter les instruments de mesure pour entamer les premières campagnes de collecte de données dans les prochaines semaines.
«Jusqu’à maintenant, on ne pouvait faire des mesures qu’au sol, souligne Patrick Hayes. Le drone va nous permettre de voir comment les concentrations évoluent dans l’air, selon l’altitude.»
Ce projet en phase de test «ouvre la porte à des applications futures dans des environnements difficiles d’accès, telles la surface des lacs, les zones industrielles ou en régions éloignées», précise le professeur. Il pourrait aussi permettre une surveillance plus étroite de la qualité de l’air en ville, là où les capteurs fixes ne suffisent pas toujours à détecter les variations locales.
Deux techniciens des départements de chimie et de géographie et deux étudiants sont mobilisés pour soutenir les essais du drone et valider le fonctionnement des capteurs à bord.
Deux projets, un point commun
Ces deux projets ont un point commun: le recours à des technologies de pointe pour répondre à des enjeux environnementaux concrets.
Selon Patrick Hayes, l’été est la saison idéale pour lancer ces travaux, puisque les conditions météo sont plus stables, ce qui facilite l’installation des instruments et les essais de vol. Mais les données recueillies sont destinées à alimenter une surveillance à long terme, qui se poursuivra durant l’hiver.
«Ce qu’on met en place cet été, ce sont les bases d’une nouvelle génération d’outils de mesure de la qualité de l’air, conclut-il. En combinant le travail de terrain, l’innovation technologique et la collaboration interdisciplinaire, on espère contribuer à une meilleure gestion de la pollution atmosphérique et apporter des réponses aux préoccupations de santé publique qui en découlent.»