Traverser un tunnel, la tête dans les nuages

En 5 secondes Une exposition à la Galerie de l’UdeM dévoile les coulisses du «Mont habité» de Manuel Mathieu jusqu’au 15 novembre.

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Rentrée 2025 Article 10 / 11

Cet automne, les voyageurs du Réseau express métropolitain (REM) découvriront à la station Édouard-Montpetit une œuvre monumentale: Le mont habité, cinq mosaïques de l’artiste Manuel Mathieu. En attendant, une exposition temporaire invite le public à plonger dans les profondeurs de cette création. Intitulée Traverser un tunnel en ayant la tête dans les nuages: sur Le mont habité de Manuel Mathieu, elle propose une traversée poétique au cœur du processus qui a mené à l’installation des mosaïques.

«Cette phrase, “Traverser un tunnel en ayant la tête dans les nuages”, c’est Manuel Mathieu qui l’avait dite en parlant de son projet. Je voulais la ramener comme fil conducteur», explique Émilia Istead, jeune commissaire de l’exposition et étudiante de maîtrise en histoire de l’art au Département d’histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels de l’Université de Montréal. «Quand on descend vers le quai de la station, on pénètre au cœur du mont Royal. Et en même temps, les mosaïques ouvrent un passage vers un monde imaginaire. L’exposition traduit cette expérience, mais du point de vue du processus créatif», ajoute-t-elle. 

Une archive vivante du processus

L’exposition s’offre comme une archive ouverte. Là, plans monumentaux originaux, œuvres, photographies de l’artiste dans l’atelier de Mosaïka et fragments de céramique s’entrecroisent. Le public est invité à circuler librement, comme sur un quai, pour explorer ce qui s’impose à lui. 

«Créer une mosaïque, ça prend énormément de temps et beaucoup de monde, rappelle Émilia Istead. Il fallait montrer ces couches de travail sans les figer.» Des images au microscope du gabbro – cette roche sombre extraite de la montagne lors de l’excavation de la station – côtoient les patrons utilisés par l’atelier Mosaïka, partenaire du projet. 

Pour Manuel Mathieu, ce choix est fondamental: «On a procédé à des explosions dans le mont Royal pour bâtir la station. Je voulais que le gabbro ne soit pas oublié. Ses motifs, vus au microscope, m’ont inspiré les formes de la mosaïque. Je voulais qu’on ait la sensation que les images produites sortent de la pierre», mentionne-t-il. 

Entre terre et ciel

Cette tension entre enracinement et élévation traverse toute l’exposition. La pierre brute dialogue avec des œuvres de Manuel Mathieu conçues spécialement pour ce projet. On y trouve une œuvre peinte et deux céramiques qui font référence au langage pictural des mosaïques du Mont habité. S’ajoutent des dessins, The Bain et Mindfulness, ainsi que d’autres toiles invitant à lever le regard. 

«Je voulais que le public ressente cette ascension, mais aussi ce passage de la matière à l’imaginaire», note Émilia Istead.  

Une première expérience de commissariat

Pour Émilia Istead, cette aventure marque un premier projet de commissariat réalisé du début à la fin et supervisé par Laurent P.-Vernet, directeur de la Galerie de l’UdeM. «Ç’a été très formateur et enrichissant, indique-t-elle. J’ai appris autant sur la géologie que sur la céramique! On a visité l’atelier de Manuel Mathieu, celui de Mosaïka, on est allés voir du gabbro… C’était très multidisciplinaire.» Enthousiaste, l’étudiante dit avoir «attrapé la piqûre du commissariat» et envisage de poursuivre son parcours professionnel dans le milieu montréalais de l’art contemporain. 

Pour la jeune commissaire, Traverser un tunnel en ayant la tête dans les nuages: sur Le mont habité de Manuel Mathieu, est aussi un projet de médiation culturelle: «C’est une œuvre qui va rester longtemps dans la station du REM. L’exposition, elle, est temporaire. Mais en racontant le processus, on permet aux visiteurs de porter un autre regard sur les mosaïques, même des années plus tard, lorsqu’ils passeront devant», conclut-elle. 

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