Violences à caractère sexuel: mise en œuvre de la politique universitaire

L’UdeM est la première université à avoir adopté une politique sur les inconduites et les violences à caractère sexuel.

L’UdeM est la première université à avoir adopté une politique sur les inconduites et les violences à caractère sexuel.

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

L’UdeM est la première université à avoir adopté une politique sur les inconduites et les violences à caractère sexuel. Rencontre avec la directrice du bureau chargé de sa mise en œuvre, le BIMH.

En vigueur depuis le 1er août, la Politique visant à prévenir et à combattre les inconduites et les violences à caractère sexuel de l’Université de Montréal implique des changements de taille pour le Bureau d’intervention en matière de harcèlement (BIMH). En vertu de cette nouvelle politique, le Bureau devient le guichet unique pour tout signalement ou toute plainte en matière de violence à caractère sexuel de la part d’un ou une membre de la communauté. C’est donc une rentrée particulièrement chargée pour l’équipe du BIMH et sa directrice, Isabelle Chagnon, qui pilote la mise en œuvre de la politique universitaire.

Nouvelle politique, nouveaux mandats

Isabelle Chagnon

Crédit : Amélie Philibert

Le BIMH possède plusieurs atouts pour faire face à l’élargissement de son mandat: bien implanté dans la communauté de l’UdeM, il veille depuis 15 ans au respect des mesures existantes sur le harcèlement. De plus, le Bureau peut compter sur une équipe qui n’en est pas à ses premières armes. «Nous avons la chance d’avoir des gens d'expérience au sein de l’équipe, précise Mme Chagnon. Nos employés ont en moyenne une vingtaine d’années de métier à leur actif.»

L’entrée en vigueur de la nouvelle politique leur aura permis d’acquérir des compétences d’intervention légèrement différentes. «On n’intervient pas tout à fait de la même manière auprès d’une victime de violence sexuelle qu’auprès d’une victime de harcèlement», précise Mme Chagnon. Désormais, tous les conseillers sont en mesure d’effectuer une intervention plus pointue, parfois semblable à une intervention «de crise», lorsqu’il s’agira de violence à caractère sexuel.

De l’importance de dénoncer

Selon Isabelle Chagnon, la position de l’Université est claire: «Nous encourageons les victimes à dénoncer les actes répréhensibles afin de pouvoir intervenir. D’autant plus qu’elles peuvent le faire tout en conservant l’anonymat.» Aspect non négligeable, puisque la crainte de représailles pousse souvent les victimes à garder le silence.

Afin de protéger les personnes plaignantes, la politique prévoit la mise en place de mesures provisoires et d’accommodements. «Dans le milieu universitaire, explique Mme Chagnon, il peut s’agir de changer un étudiant de classe, d’ajouter un cosuperviseur de thèse ou encore de séparer deux collègues afin qu’ils ne travaillent plus ensemble. On doit aussi trouver les mesures temporaires qui ne nuiront pas à la victime.»

Environ 80 % des personnes qui se tournent vers le BIMH optent pour le signalement, que ce soit pour les actes de violence à caractère sexuel ou dans le cas de harcèlement. Il est à noter que les signalements peuvent être faits soit par la victime elle-même, soit par un ou une témoin d’un comportement répréhensible.

Les plaintes mensongères sont très rares: elles ne représentent que de deux à huit pour cent des plaintes déposées. Les chiffres ne sont pas plus élevés pour les plaintes relatives aux violences à caractère sexuel. — Isabelle Chagnon

Mieux outiller les personnes à risque

Le premier volet de la nouvelle politique concerne les mesures de prévention et de sensibilisation, dont fait partie une formation obligatoire pour tous les employés. Jusqu’à présent, quelque 3000 membres des personnels administratif et de soutien y ont pris part. Cette formation a par ailleurs été adaptée pour les étudiants. Les cours seront accessibles en ligne à compter du mois d’octobre et l’ensemble de la communauté pourra les suivre par l’entremise de StudiUM.

Si la formation demeure essentielle, la recherche démontre toutefois l’importance d’outiller de façon plus spécifique les groupes particulièrement à risque: les femmes, les personnes en situation de handicap, la population immigrante, les Autochtones, les minorités visibles et les membres de la communauté LGBTQ+. C’est dans ce but que le BIMH collabore au projet de la chercheuse Isabelle Daigneault, du Département de psychologie. Baptisé BÉRA, le projet dirigé par Mme Daigneault vise à implanter un programme de prévention des agressions sexuelles destiné aux étudiantes des campus.

Toujours dans l’esprit de protéger les personnes qui peuvent se retrouver en situation de vulnérabilité, la politique a également statué sur les relations entre un étudiant ou une étudiante et toute personne pouvant avoir une influence sur son parcours de formation. «Ce que l’Université veut éviter, indique Isabelle Chagnon, c’est la coexistence d’une relation intime, telle qu’amoureuse ou de nature sexuelle, et d’une relation pédagogique ou d’autorité entre deux individus.» Cette interdiction vise d’ailleurs deux objectifs: protéger ceux et celles qui ne sont pas en position d’autorité et éviter un conflit d’intérêts qui pourrait menacer l’intégrité du cheminement scolaire.

Une université fortement mobilisée

Les relations de proximité et de confiance sont fondamentales dans le milieu universitaire, particulièrement aux cycles supérieurs. Selon Isabelle Chagnon, cet élément de risque est néanmoins atténué par la forte présence de jeunes très à l’affût des questions de violence à caractère sexuel.

«Je constate aussi chez les membres de la communauté de l’UdeM une grande ouverture d’esprit et une vive conscience des changements qui s’opèrent dans la société», ajoute Mme Chagnon.

L’entrée en vigueur de la politique est l’occasion pour l’Université de Montréal de renforcer son message et de rehausser la mobilisation de ses troupes. Première université québécoise à avoir adopté une politique en conformité avec le projet de loi no 151, elle a également joué un rôle de pionnière en 2014 avec la campagne de sensibilisation «Sans oui, c’est non!» «L’Université va encore plus loin en associant non seulement les étudiants, mais aussi les employés, les gestionnaires et le corps professoral. Il y a dans la société une conjoncture favorable dont l’Université a choisi de profiter pleinement», conclut-elle.

Découvrez la politique contre les inconduites et les violences à caractère sexuel
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