Enfin une biographie d'Anne Hébert!

«Anne Hébert, vivre pour écrire», par Marie-Andrée Lamontagne (études anciennes 1987, études françaises 1992).

«Anne Hébert, vivre pour écrire», par Marie-Andrée Lamontagne (études anciennes 1987, études françaises 1992).

Crédit : Boréal, 2019, 504 pages.

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La diplômée Marie-Andrée Lamontagne publie une biographie de l’auteure québécoise Anne Hébert (1916-2000), dont l’œuvre s’étend sur un demi-siècle.

Doublement diplômée de l’Université de Montréal (elle a obtenu un baccalauréat en études anciennes en 1987 et une maîtrise en études françaises en 1992), Marie-Andrée Lamontagne publie une biographie de l’auteure Anne Hébert. Elle répond à nos questions.

Est-ce qu’Anne Hébert [1916-2000] est la plus grande écrivaine de l’histoire du Québec?

Je ne poserais pas la question dans ces termes, mais Anne Hébert fait certainement partie de la constellation d’écrivains phares du Québec formée des Gabrielle Roy, Hector de Saint-Denys Garneau, Gaston Miron et quelques autres qui ont marqué profondément la littérature d’ici.

Vous l’associez à des auteurs de poésie. Est-elle poète avant tout?

Son œuvre compte trois sommets à mon avis: Le tombeau des rois, paru en 1953; Kamouraska, sorti en 1970; et Les fous de Bassan, publiés en 1982. J’ai aussi un faible pour L’enfant chargé de songes [1992]. Il y a dans cette sélection un recueil de poèmes et trois romans. Mais pour Anne Hébert, les frontières entre les genres ne sont pas nettes. Et je suis sûre qu’elle-même aurait détesté de telles étiquettes. Son théâtre était «poétique» de même que certains de ses romans comme Les chambres de bois. Ce que j’aimerais dire surtout, c’est que, chaque fois qu’elle publiait un livre, elle y mettait le meilleur d’elle-même et la forme suivait.

Lui a-t-on pardonné d’avoir quitté le Québec pour la France?

Il y a un certain malentendu à ce sujet que cette biographie saura dissiper ou dont elle pourra éclairer les causes, je l’espère. Toute sa vie, Anne Hébert est demeurée québécoise, même si elle a fait d’innombrables allers-retours entre le Québec et la France; elle n’a jamais demandé la nationalité française. Jusqu’aux années 90, elle n’avait même pas de visa de séjour. Sa vie en France était faite de travail, d’amitiés et d’affections profondes, mais son imaginaire était nourri par le Québec. Au Québec, dans les années 70, il est vrai qu’une certaine élite bruyante – et brillante, ajouterais-je, car l’écrivain Jacques Ferron en faisait partie – lui a reproché de publier à Paris, ce qui revenait, aux yeux de ses détracteurs, à prendre ses distances avec la cause nationale. N’oublions pas que, en octobre 1970, quand les bombes du Front de libération du Québec éclataient à Montréal, Kamouraska sortait à Paris aux Éditions du Seuil et que ce roman lui a valu une grande et soudaine notoriété. Cela dit, les reproches faits par une minorité de critiques n’ont pas empêché Anne Hébert d’être très aimée, voire vénérée par ses lecteurs québécois. Quand elle signait ses livres en librairie, les gens venaient en grand nombre. Ils lui apportaient des fleurs, du chocolat… J’ai pu, moi-même, constater son aura lorsqu’elle a lu quelques-uns de ses poèmes au Salon du livre de Montréal au début des années 90. C’est d’ailleurs la seule fois où j’ai été en sa présence…

Saviez-vous alors que vous écririez sa biographie?

Non. Mais j’ai toujours aimé son œuvre. Dès l’adolescence, je savais ses poèmes par cœur. Entre le moment où j’ai décidé d’écrire cette biographie et sa publication, 15 années se sont écoulées, au cours desquelles j’ai recueilli des masses de documents privés et publics et réalisé des entretiens avec des proches, des membres de sa famille et des personnes qui l’avaient connue. Une soixantaine en tout, qui m’ont donné une connaissance non livresque et très précieuse d’Anne Hébert. L’écriture en tant que telle m’a demandé cinq ans de travail.

Qu’est-ce qui vous a le plus surprise durant cette aventure?

J’ai eu deux surprises. D’abord, si Anne Hébert a voué son existence à la littérature, elle avait une vie privée bien remplie. J’ai découvert une femme amoureuse, fidèle en amitié, mue par un très grand appétit de vivre, et cela, jusqu’à la fin. Ensuite, sur le plan de l’œuvre, en l’examinant de plus près, j’ai pris la mesure de ses influences anglaises, qui sont réelles et profondes. Cela m’a étonnée, car je l’avais longtemps vue comme appartenant à une tradition très française, voire «vieille France». Or, il y a dans ses romans de nombreuses références à un univers anglo-saxon: noms de rues, de personnages, etc., qui s’expliquent en partie par le passé anglais de la ville de Québec, mais aussi par ses lectures. Chez Anne Hébert, le paysage est âpre, rude, les personnages ont un côté tourmenté, ils sont travaillés par une violence sourde, et tous ces éléments rappellent certains romans anglais du 19siècle.

 

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