La possession d’armes à feu plus fortement associée aux homicides aux États-Unis

Karim Chalak évalue qu'une augmentation de un pour cent du taux de possession d'armes à feu correspond à une hausse de un pour cent du taux d’homicides par ce type d'arme, soit trois fois plus que ce qu’estimaient les études précédentes.

Karim Chalak évalue qu'une augmentation de un pour cent du taux de possession d'armes à feu correspond à une hausse de un pour cent du taux d’homicides par ce type d'arme, soit trois fois plus que ce qu’estimaient les études précédentes.

Crédit : Getty

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Chez nos voisins américains, la possession d’armes à feu est davantage associée à un plus grand risque d’homicides qu’on le croyait, selon une étude du professeur d’économie Karim Chalak, de l’UdeM.

En 2017, près de 40 000 personnes sont mortes de blessures liées aux armes à feu aux États-Unis, qu’il s’agisse d’homicides ou de suicides.

Devant ce constat alarmant, Karim Chalak et ses collègues ont entrepris une étude économétrique afin de préciser le taux de possession d’armes à feu dans la population et le risque associé d’homicides et de suicides.

Professeur associé au Département de sciences économiques de l’Université de Montréal depuis un an, M. Chalak a obtenu son doctorat à l'Université de Californie à San Diego et a été par la suite professeur adjoint d'économie au Boston College et à l'Université de Virginie.

L’analyse des rares données disponibles sur le sujet lui a permis de constater les lacunes qu’elles comportent. De fait, la plupart des études consultées reposent sur des variables et des mesures indirectes.

Par exemple, l’une de ces recherches établissait une approximation du taux de possession d’armes à feu en se basant sur le taux d'abonnement au magazine Guns and Ammo. Une autre évaluait à 64 % la proportion d’armes à feu possédées en Virginie en 1999 sur la prémisse que 64 % des suicides survenus dans cet État avaient été commis avec ce type d’arme.

Traiter les erreurs de mesure

Karim Chalak

Karim Chalak

«Ces variables comportent des erreurs de mesure et ne sont pas très précises, mais elles nous fournissent des indices que nous pouvons combiner avec des hypothèses plausibles pour arriver à une corrélation qui nous donne un meilleur tableau de la réalité», indique Karim Chalak.

Ainsi, le chercheur et ses collègues ont compilé, pour chacun des 50 États américains et le district fédéral de Columbia, l’ensemble des données annuelles sur le taux d’homicides par 100 000 habitants sur un continuum de 35 ans, soit de 1980 à 2014 inclusivement.

Et ils ont mis ces données en relation avec les études portant sur le taux de possession d’armes à feu.

«Nous avons utilisé le même modèle et les mêmes variables que ces études, et nous avons ensuite appliqué nos méthodes économétriques pour obtenir des estimations qui tiennent compte des erreurs dans les mesures indirectes du taux de possession, ajoute-t-il. Nous avons obtenu de nouveaux résultats similaires à partir de différentes hypothèses sur les erreurs.»

Une association trois fois plus forte qu’attendu

L’un des scénarios consistait à utiliser les études de validation que comportait la littérature sur le taux de possession d’armes à feu ainsi que les analyses sur la corrélation entre leurs résultats et les variables indirectes.

«Il en est ressorti que la fraction de suicides attribuables à une arme à feu est la variable de substitution la plus valable, bien qu’elle soit imparfaite, c’est-à-dire que la corrélation entre la fraction de suicides et le taux de possession d’une arme à feu n’est que de 0,81», souligne Karim Chalak.

Une fois «nettoyées» les erreurs de mesure de cette estimation, les modèles économétriques arrivent à établir que l’association entre les homicides par armes à feu et la possession d’une arme est trois fois plus forte.

Concrètement, s’il fait fi des erreurs de mesure, Karim Chalak évalue qu’une augmentation de 1 % du taux de possession d’armes à feu dans la population serait associée à une hausse de 0,36 % du taux d’homicides avec ce type d'arme.

«Or, en incorporant ces erreurs à l’analyse, une augmentation de 1 % du taux de possession de ces armes correspond à une hausse de 1 % du taux d’homicides par ce type d'arme, soit trois fois plus que ce qu’estimaient les études précédentes, ce qui confirme qu’elles comportaient un biais d’atténuation», illustre-t-il.

Alimenter la réflexion pour de meilleures politiques publiques

Les résultats obtenus correspondent à une moyenne pour l’ensemble des États et ils ne reflètent pas nécessairement un lien de cause à effet.

«Nous parlons ici d’une relation d’association, c’est-à-dire qu’il existe une forte association entre le taux de possession d’armes à feu dans un État et le taux d’homicides attribuables à ce type d’arme, conclut le professeur. Néanmoins, nos résultats permettent de documenter cette relation avec plus de précision et j’espère qu’ils encourageront les décideurs publics à effectuer de meilleures collectes de données pour établir plus exactement ce lien d’association qui pourrait potentiellement mettre en évidence un lien causal.»

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