Des pédophiles qui s’abstiennent et cherchent de l’aide
- UdeMNouvelles
Le 30 novembre 2022
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Le doctorant en criminologie Étienne Garant s’intéresse aux mécanismes d’adaptation des personnes qui ont un intérêt sexuel à caractère pédophile, mais qui choisissent de ne pas passer à l’acte.
Étienne Garant sait qu’il s’attaque à un grand tabou de société.
Son doctorat en criminologie porte sur les individus qui ont un intérêt sexuel envers les mineurs, mais pas seulement: il a pour objet précis les adultes qui reconnaissent cette attirance et qui cherchent à ne pas commettre l’irréparable.
Supervisé par Jean Proulx, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal, et Christian Joyal, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Étienne Garant souhaite comprendre et possiblement aider ces individus qui parviennent à vivre une vie normale sans répondre à leurs désirs sexuels à caractère pédophile, qu’ils savent illégaux.
«Je cherche à savoir quelles sont les stratégies d’adaptation qui font en sorte qu’ils sont capables d’avoir une vie prosociale, qu’ils sont pleinement inclus dans leur communauté, mais aussi comment ils arrivent à gérer leurs intérêts sexuels au quotidien et vers qui ils se tournent quand ils sont en situation difficile», expose le doctorant.
Étienne Garant tient également à déconstruire l’imaginaire collectif concernant les pédophiles et les éphébophiles (attirance envers des adolescents pubères), où ils sont directement étiquetés en tant qu’agresseurs sexuels, même s’ils n’ont pas agi.
«Le contexte social favorise la haine et est un frein à la recherche de solutions pour ces personnes qui n’ont pas commis de délit et ne comptent pas le faire, précise-t-il. Elles vivent avec un intérêt sexuel qu’elles n’ont pas choisi et ont certainement besoin d’aide.»
Des organismes tendent une main
En faisant des recherches sur les processus d’abstinence des personnes qui sont attirées sexuellement par les mineurs, Étienne Garant a constaté qu’il existait sur la planète quelques organismes de soutien pour cette frange de la population.
Un des plus connus est le projet de prévention Dunkelfeld, en Allemagne, qui vise à apporter une aide clinique et psychologique aux individus sexuellement attirés par les enfants et à sensibiliser le public à cette question. En Angleterre, l’organisation à but non lucratif Stop It Now! cherche à prévenir la perpétration d’abus sexuels sur les enfants en offrant des services aux adultes qui s’inquiètent de leurs pensées ou comportements à caractère pédophile.
Aux États-Unis, B4U-ACT a pour mission de promouvoir une compréhension fondée sur la science des personnes qui ont une attirance pour les enfants ou les adolescents. Parallèlement, le site Virtuous Pedophiles offre du soutien aux pédophiles tout en faisant la promotion de la protection des enfants.
Et finalement, plus près de chez nous, le Centre d’intervention en délinquance sexuelle de Laval offre un programme d’aide pour les individus qui sont préoccupés par leurs fantasmes sexuels déviants.
Une action qui bénéficie à tous
Comme la pédophilie est un sujet très tabou et que la réaction à l’égard des professionnels qui reçoivent les témoignages peut être négative, Étienne Garant considère que les personnes attirées sexuellement par les mineurs ont certainement beaucoup de difficulté à trouver de l’aide et à se confier.
«Si, grâce à mon doctorat, j’arrivais à affirmer qu’il existe des stratégies d’adaptation, que le soutien social sans jugement est aidant et que certains organismes facilitent l’accès à des traitements, on pourrait aider ces gens à éviter le passage à l’acte et, de facto, protéger les victimes potentielles», avance-t-il.
Son but ultime est donc de parler de ce sujet délicat le plus possible afin que ceux et celles qui ont besoin d’accompagnement sachent vers qui se tourner et qu’on puisse agir en amont auprès de ces gens dont l’intérêt est plus envahissant de façon à empêcher qu’un crime soit commis.
«Ce n’est pas parce qu’on refuse de voir une réalité qu’elle va s’effacer», conclut Étienne Garant.