Stage au Bénin: s’entraider pour mieux soigner

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De retour de quatre semaines au Bénin, des stagiaires de la Faculté de médecine racontent leur expérience unique marquée par une profonde humanité et un fort esprit d’entraide.

Le stage en santé et coopération internationale au Bénin offre des défis stimulants aux étudiants et étudiantes du programme de résidence en médecine de famille et du baccalauréat en nutrition de l'Université de Montréal. Le but: favoriser les échanges de connaissances scientifiques et interculturelles, et former la relève au contact d’une multitude de cas et de réalités.

Pendant un mois, cinq étudiantes en nutrition, deux résidentes et un résident ont ainsi travaillé en interdisciplinarité dans les hôpitaux et dispensaires béninois aux côtés du personnel soignant. Avant leur départ, les huit stagiaires avaient suivi une formation sur la culture et l’histoire du pays, l’éthique en milieu médical et la logistique d’organisation.

Sortir de sa zone de confort

Le 20 octobre 2022, après deux ans de pandémie, le groupe a atterri de nuit à Cotonou, la capitale économique du Bénin, dans une chaleur intense. «J’avais l’impression de découvrir un autre monde, très loin de chez moi», confie Marie-Ève Boisvert. La résidente de deuxième année en médecine de famille souhaitait pousser plus loin son expérience internationale acquise à la faveur d’un stage d’observation au Brésil et développer ses connaissances en sol africain.

Laurie Martin et Lauriane Chamberland, étudiantes de quatrième année en nutrition, étaient quant à elles fascinées par cette région du monde. Elles avaient le désir d’aider et d’apprendre à soigner autrement. «J’ai toujours voulu comprendre les inégalités sociales et les besoins de communautés parmi les plus vulnérables. Pour moi, le stage au Bénin rejoignait mes aspirations et complétait bien mon programme», dit Laurie Martin.

À leur toute première journée à Cotonou, les stagiaires ont eu l’occasion de visiter l’immense marché Dantokpa. «On devait circuler en file indienne dans les allées étroites et bondées de monde. On se sentait complètement dépaysés!» poursuit la jeune femme.

Même si les stagiaires avaient une petite idée de ce qui les attendait sur le terrain, plusieurs choses les ont surpris. Le Bénin compte une soixantaine de langues nationales. Le français, langue officielle, est parlé par moins de la moitié de la population du pays. «Dans les villages et les hôpitaux, ce n’est pas tout le monde qui parle français. On n’avait pas le choix de faire appel au personnel pour traduire les propos des patients», explique Lauriane Chamberland.

La notion du temps diffère aussi, de même que la notion d’urgence en milieu hospitalier. «Chez nous, les journées sont bien remplies et tout va vite. Là-bas, le rythme est vraiment différent. Les soignants prennent leur temps et réfléchissent beaucoup avant de poser un diagnostic. Pour nous, c’était déstabilisant, car nous traitions moins de cas que d’habitude», illustre Laurie Martin.

Une expérience variée

Au Bénin, la prise en charge de la médecine et de la nutrition fonctionne d’une tout autre façon dans un tout autre environnement. Par exemple, les résidents ont été amenés à pratiquer la médecine avec des moyens limités auprès d’une clientèle extrêmement vulnérable, dont beaucoup d’enfants et de femmes enceintes souffrant de malnutrition. Les conseils des médecins béninois leur permettaient de poser de bons diagnostics, surtout dans les dispensaires de villages. À l’inverse, les soignants béninois faisaient appel aux stagiaires pour analyser certains cas.

Le village isolé de Gbaffo, situé au centre du pays, à plus de cinq heures de Cotonou, a particulièrement marqué Marie-Ève Boisvert. «Les consultations se déroulaient dehors, en plein soleil. Nous étions confrontés à beaucoup d’impuissance et à un manque de ressources. Nous devions nous baser sur les signes cliniques pour établir nos diagnostics. La médecine en milieu rural nous amène à nous dépasser et apporte de l’espoir dans un contexte d’extrême pauvreté. Cet apprentissage est une plus-value en médecine familiale», estime-t-elle.

Sur le plan de la nutrition – une discipline qui a fait son entrée récemment au Bénin dans les programmes d’études –, les stagiaires ont fait du dépistage dans les hôpitaux et les dispensaires afin d’évaluer l’état nutritionnel des patients. «À l’hôpital L’Abbraccio de Sokponta, l’équipe a intégré une nutritionniste il y a trois ans», précise Lauriane Chamberland, qui y a passé deux semaines avec ses collègues.

Des professions qui se complètent

Les expertises des résidents en médecine de famille et des étudiantes en nutrition se sont arrimées tout au long du stage: «Pour les cas d’enfants sous-alimentés, on prenait en charge les complications médicales et les nutritionnistes s’occupaient du volet réalimentation», souligne Marie-Ève Boisvert.  

«En cohabitant avec nos collègues résidents 24 heures sur 24, nous avons pu découvrir leur profession, connaître leur programme et observer leurs interactions avec les patients. Nous n’aurions jamais eu accès à tout ça à Montréal», croit Laurie Martin. Ce solide travail d’équipe a fait naître des amitiés et donné lieu à des moments de complicité. «À la fin, nous ne parlions plus que de bouffe entre nous», plaisante Marie-Ève Boisvert.

Apprendre les uns des autres

Par ailleurs, les échanges entre les stagiaires de l’UdeM et les étudiantes et étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), située à Cotonou, ont été riches en apprentissages. Par exemple, les premiers ont pu approfondir leurs connaissances sur les maladies tropicales et la nutrition infantile. Les seconds ont découvert les problèmes de nutrition qui touchent les personnes âgées au Québec. Le stage s’est conclu par des présentations devant les vice-doyens, le corps professoral et la communauté étudiante de la Faculté des sciences de la santé de l’UAC.

«Ces échanges m’ont confirmé que la médecine est universelle. Ils m’ont apporté beaucoup sur les plans professionnel et personnel. J’ai découvert la culture canadienne et initié mes confrères à notre culture», se réjouit Régis Houndeton, étudiant de sixième année en médecine générale à l’UAC.

Un stage pérenne

Le stage au Bénin est un stage phare du programme de résidence en médecine de famille de l'Université de Montréal. «La collaboration est au cœur de nos pratiques. D’ici 10 ans, ce serait formidable d’inclure d’autres spécialités, telle la physiothérapie», indique la Dre Nathalie Caire Fon, directrice du Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’UdeM.

Marie Marquis, directrice du Département de nutrition de l’Université, insiste pour sa part sur les compétences acquises en promotion de la santé mondiale dans un pays à faible revenu. «Dans le futur, on pourrait élargir notre champ d’action à d’autres clientèles en nutrition clinique en fonction des besoins des communautés. Nos étudiantes et étudiants s’identifient à la valeur de responsabilité sociale que véhicule la Faculté de médecine», dit-elle.

Un projet qui part de loin

Créé en 2009 au Centre de santé et de services sociaux du Sud-Ouest-Verdun (aujourd’hui le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux [CIUSSS] du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal), le projet s’est développé grâce à l’engagement soutenu de ses instigateurs, Geneviève Alary, le Dr Jean-François Thibert et le Dr Eric-Viet Laperrière-Nguyen. Depuis, il s’inscrit dans un partenariat entre trois collaborateurs, soit la Direction de l'enseignement universitaire et de la recherche du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Abomey-Calavi et la Faculté de médecine de l’UdeM, et bénéficie du soutien d’UdeM international (qu’intègre désormais la Direction des affaires internationales de l’UdeM). 

La formation préalable au départ est donnée par Geneviève Alary, cofondatrice et responsable du stage, et la Dre Vanessa Bombay, du Département de médecine de famille et de médecine d'urgence. Mme Alary accompagne les stagiaires tout au long de leur séjour et ils sont supervisés par la Dre Julie Côté-Leclerc, du Département de médecine de famille et de médecine d’urgence, et la nutritionniste Catherine Vachon, diplômée de l’UdeM.

C’est grâce aux liens étroits que Mme Alary cultive avec les communautés béninoises depuis plus de 10 ans que le projet connaît autant de succès aujourd’hui.

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Par Joëlle Andraos, avec la collaboration de Mylène Tremblay

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