Se mobiliser pour apaiser l’écoanxiété de la communauté étudiante

Plus les années passent, plus la communauté étudiante semble souffrir d’écoanxiété, mais aussi éprouver de l’écocolère.

Plus les années passent, plus la communauté étudiante semble souffrir d’écoanxiété, mais aussi éprouver de l’écocolère.

Crédit : Getty

En 5 secondes

À l’UdeM, un nouveau projet met de l’avant les ressources disponibles et les solutions pour faire face à cette préoccupation environnementale croissante.

Au Canada, on estime que 59 % des jeunes âgés de 18 à 29 ans éprouvent de la peur face aux enjeux environnementaux actuels et futurs. Nommé de manière générale «écoanxiété», cet état psychologique découle souvent de la prise de conscience des problèmes environnementaux comme les changements climatiques, la perte de biodiversité, la déforestation ou la pollution.

Les émotions qui l’accompagnent peuvent être exacerbées par des évènements climatiques extrêmes, des nouvelles alarmantes sur l’état des écosystèmes ou l’impression d’un manque de mobilisation suffisante pour s’attaquer à ces défis.

Une réalité vécue à l’UdeM

Julie Talbot

Julie Talbot

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Ces préoccupations touchent particulièrement les jeunes générations, dont la communauté étudiante de l’Université de Montréal. Sébastien Côté, psychologue au Centre de santé et de consultation psychologique de l’UdeM, a d’ailleurs observé une augmentation des cas d’écoanxiété chez les personnes qui le consultent.

«Ce qui était exceptionnel il y a 15 ans devient commun aujourd’hui, raconte-t-il. Nous voyons maintenant de façon régulière des étudiants et étudiantes qui consultent expressément pour cette raison. Plus souvent encore, les bouleversements environnementaux et la crise climatique apparaissent quelque part dans la trame de leur détresse même s’il ne s’agit pas du motif principal de leur consultation. Les sentinelles nous rapportent aussi fréquemment l’intensité de leurs préoccupations en lien avec la crise environnementale.»

Julie Talbot, directrice du Département de géographie de l’Université, dresse le même constat: plus les années passent, plus la communauté étudiante semble souffrir d’écoanxiété, mais aussi éprouver de l’écocolère.

«Le terme écoanxiété semble pathologiser le problème et mettre le poids sur les épaules de la personne qui le vit, indique la professeure. Alors que, pour moi, être préoccupé par l’état de la planète est seulement une réponse normale et rationnelle à la situation actuelle. Les étudiantes et les étudiants qui viennent me voir partagent plus souvent de la colère devant l’inaction politique et celle des générations précédentes, l’ampleur des problèmes ou les iniquités dans la crise environnementale.»

Naissance d’une mobilisation

Au fait de cet enjeu, l’équipe du projet Construire l’avenir durablement (CLAD) du Laboratoire d’innovation de l’UdeM a décidé de tendre la main aux membres de la communauté étudiante. Pour mieux les soutenir et favoriser leur bien-être, elle a cocréé avec plusieurs un balado et une page Web présentant explications et ressources (voir l’encadré).

Julie Talbot est aussi de ceux et celles qui croient à la proactivité. Depuis quelque temps, elle aborde de front ces inquiétudes, notamment dans son cours GEO-3320 – Changements environnementaux.

«Dans ce cours, on parle de tout ce qui va mal: changements climatiques, étalement urbain, déforestation, fragmentation des habitats, etc. Alors j’ai commencé à parler d’écoanxiété et d’écocolère, à poser des questions directement à mes groupes. C’est particulièrement important dans notre domaine, puisque nous sommes en contact très étroit avec des environnements qui changent rapidement, et cela vient avec certains deuils écologiques», souligne la professeure.

Des idées pour aider

Les étudiantes de l’UdeM qui ont participé à la conception et à la réalisation du balado considèrent que cette initiative est un bon premier pas pour faire état de la situation à l’Université et offrir de l’aide à leurs collègues. Elles estiment toutefois que l’UdeM pourrait faire encore plus.

Rachel Guibord, qui étudie à la maîtrise en anthropologie, pense ainsi à l’organisation de cercles de parole ou d’activités en nature. Jessica Laurin Gingras, étudiante de maîtrise en environnement et développement durable, propose la diffusion d’une infolettre consacrée aux bonnes nouvelles en environnement, aux projets étudiants, aux innovations qui donnent de l’espoir.

«On aimerait aussi voir que l’Université est engagée dans l’amélioration des pratiques, que la haute direction prend la crise climatique au sérieux, au-delà des programmes d’enseignement. Le retrait des investissements dans le secteur des énergies fossiles en est un bon exemple», ajoute Jessica Laurin Gingras.

Les deux étudiantes martèlent par ailleurs l’importance de rendre l’aide psychologique plus accessible, en plus de sensibiliser et d’outiller davantage les psychologues quant aux besoins en matière d’écoémotions.

Des émotions légitimes

Floris van Vugt

Floris van Vugt

Crédit : Courtoisie

Dans le balado du Laboratoire d’innovation, Floris van Vugt, professeur au Département de psychologie de l’UdeM et expert en communication, mentionne qu’une bonne façon d’aider une personne qui souffre d’écoanxiété est de dialoguer avec elle et de valider ses émotions.

«Être compris est un besoin fondamental, rappelle le chercheur. La première étape dans toute discussion difficile est d’établir une compréhension. L’écoanxiété n’est pas une phobie basée sur l’irréel, mais bien un enjeu qui demande une action de la part de l’humanité, il faut donc reconnaître une certaine légitimité à ces émotions.»

Le psychologue Sébastien Côté croit également que l’écoute empathique et la bienveillance sont les mots d’ordre. «Sentir que ce qu’on vit est légitime et a du sens, que ce qu’on ressent peut être partagé par d’autres et qu’on peut être relié aux autres dans l’adversité me semble essentiel pour mieux vivre ce qui est difficile à vivre, dans le cas de l’écoanxiété comme dans les autres cas», signale-t-il.

Plus sur les ressources offertes à l’Université de Montréal

Le balado En conversation avec nos (éco)-émotions est une série de trois épisodes qui mettent en relation des personnes écoanxieuses et d'autres non écoanxieuses, ainsi que des spécialistes qui partagent des outils pour apprendre à mieux communiquer au sujet de l’écoanxiété. Ce projet est rendu possible grâce au concours Mieux-être étudiant 2022 de l’UdeM.

Pour une meilleure compréhension du phénomène, le projet CLAD du Laboratoire d’innovation de l’Université offre une variété de ressources tant à la communauté étudiante qu’aux membres du corps enseignant qui souhaitent intégrer à leurs cours davantage de contenus sur les enjeux environnementaux et sociaux de la crise climatique.

L’équipe du projet CLAD, en collaboration avec le Centre de pédagogie universitaire, a également conçu une étude de cas «prête à enseigner» et un lexique sur les différents concepts liés aux écoémotions.