L'encéphalopathie épileptique: le rôle clé d’un gène mis au jour

L’étude établit que le gène TRIO est un acteur central qui permet d’intégrer les signaux dans l’environnement et d’enclencher les changements morphologiques nécessaires pour que les interneurones en migration s’orientent et avancent dans la bonne direction.

L’étude établit que le gène TRIO est un acteur central qui permet d’intégrer les signaux dans l’environnement et d’enclencher les changements morphologiques nécessaires pour que les interneurones en migration s’orientent et avancent dans la bonne direction.

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Une étude permet de mieux comprendre comment survient une forme grave d’épilepsie chez les enfants: l’encéphalopathie épileptique.

Elsa Rossignol

Elsa Rossignol

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Quels sont les mécanismes moléculaires et cellulaires par lesquels certains bébés développent une encéphalopathie épileptique ou un trouble du spectre de l’autisme?  

Des données récentes indiquent qu’une proportion importante de ces troubles du neurodéveloppement résiderait dans une dysfonction des interneurones gabaergiques, des cellules peu nombreuses dans le cerveau, mais dont le rôle inhibiteur est crucial pour le bon fonctionnement des circuits neuronaux. En particulier, des mutations du gène nommé «TRIO» perturbent la migration de ces interneurones et compromettent leur capacité à bien s’intégrer aux circuits, nuisant au développement cérébral.  

C’est ce que montrent les résultats d’une nouvelle recherche collaborative publiée dans Molecular Psychiatry par Lara Eid (première auteure) et dirigée par la Dre Elsa Rossignol, clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine et à l’Université de Montréal, et par la Dre Evelyne Bloch-Gallego, de l’Institut Cochin à Paris. Un pas important pour mieux comprendre cette maladie rare, mais grave, altérant le développement des enfants atteints.

Des neurones «désorientés»

Après avoir mis au point une technique de microscopie unique permettant de suivre en temps réel le déplacement des interneurones durant la période embryonnaire, l’équipe a démontré que la perte de fonction du gène TRIO cause des difficultés importantes dans la migration des interneurones, un processus central pour la formation du cortex cérébral. En effet, lors du développement normal du cerveau d’un bébé à naître, les interneurones doivent quitter une structure embryonnaire profonde et voyager sur de longues distances afin d’atteindre le cortex en formation. 

«Ce qu’on observe chez les modèles murins qui ont une perte du gène TRIO dans les interneurones, c’est que ces derniers se déplacent de manière erratique et plus lentement, comme s’ils ne savaient pas où aller, explique Lara Eid, étudiante à la Faculté de médecine de l’UdeM. Cela les empêche de se rendre à destination, ce qui fait que, au terme de la migration, plusieurs zones du cortex n’ont pas un assez grand nombre de ces interneurones. Ce que nous voyons, c’est qu’après la naissance ces modèles souffrent d’une panoplie de troubles cognitifs et comportementaux qui ne sont pas sans rappeler ce que nous voyons chez les enfants atteints d’encéphalopathie épileptique.»

L’étude établit que le gène TRIO est un acteur central qui permet d’intégrer les signaux dans l’environnement et d’enclencher les changements morphologiques nécessaires pour que les interneurones en migration s’orientent et avancent dans la bonne direction. Ainsi, ces difficultés dans le processus de migration reflètent une dysfonction sur deux plans, soit dans l’aptitude des neurones à changer de forme pour se réorienter et se propulser (mécanismes intrinsèques) et dans la réponse aux signaux externes (mécanismes extrinsèques). 

D’une part, la perte de fonction du gène TRIO altère la morphologie des interneurones et réduit leur vitesse de migration. D’autre part, cette même perte fait en sorte que l’interneurone ne répond pas bien aux messages d’attraction, dits de guidance, sécrétés par les cellules environnantes, ni à certains signaux qui activent le processus dynamique de migration. L’étude confirme que ces deux aspects sont absolument nécessaires pour que le processus de migration se déroule normalement et que cela passe par le rôle clé du gène TRIO dans la régulation de la mécanique cellulaire par de petites molécules appelées «RhoGTPAses».

Des pistes intéressantes pour un éventuel traitement

Bien que les recherches n’en soient pas encore à l’étape de la mise au point d’un traitement pour l’encéphalopathie épileptique associée au gène TRIO, l’étude offre des pistes intéressantes pour orienter l’élaboration d’un éventuel traitement pharmacologique, d’une thérapie génique ou d’une thérapie cellulaire par transplantation de cellules progénitrices d’interneurones gabaergiques. 

«Nos résultats portent à croire que les enfants atteints d’une encéphalopathie épileptique associée à une mutation du gène TRIO pourraient bénéficier d’une thérapie ciblée ou d’une thérapie cellulaire visant à rétablir le nombre ou la fonction des interneurones», souligne la Dre Rossignol, cochercheuse principale de l’étude. Des données qui concrétisent un peu plus l’espoir d’un traitement pour améliorer le sort des enfants atteints.

À propos de cette étude

L’article «Both GEF domains of the autism and developmental epileptic encephalopathy-associated Trio protein are required for proper tangential migration of GABAergic interneurons» est publié par Lara Eid et ses collègues dans Molecular Psychiatry. 

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