L’art inuit pour sensibiliser au réchauffement climatique
- UdeMNouvelles
Le 18 juin 2025
- Martine Letarte
Un documentaire sur la création de chansons inuites à partir de données sur le réchauffement climatique a été réalisé à l’initiative du professeur Olivier Beauchet.
Transformer en musique des données scientifiques sur la fonte des glaces et le dégel du pergélisol au Nunavik afin de sensibiliser les gens à la crise écologique et les amener à changer leurs comportements pour réduire le réchauffement climatique? C’est l’idée qu’a eue Olivier Beauchet, professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, directeur du laboratoire AgeTeQ et cotitulaire de la Chaire de recherche en économie créative et mieux-être pour l’axe Arts et santé du Fonds de recherche du Québec – secteur Société et culture.
«Nous voulions trouver une façon de diffuser un message en suscitant des émotions positives, sans faire peur, sans faire la morale, sans communiquer des chiffres», explique celui qui est également gériatre et neurologue à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
La musique inuite s’est imposée. L’équipe a présenté le projet de recherche au chanteur pop-rock inuit Joey Partridge et au compositeur Simon Walls. «Nous leur avons demandé une chanson, mais ils ont été tellement emballés par le projet qu’ils en ont créé trois», précise le Dr Beauchet. Des chanteuses de gorge inuites ont aussi participé aux créations.
Des données sur 30 ans
Ces créations artistiques ont été rendues possibles grâce aux données de l’équipe du géomorphologue Daniel Fortier, professeur au Département de géographie de l’Université de Montréal. Pendant 30 ans, la température dans le pergélisol du Grand Nord du Québec a été prise à chaque heure afin d’étudier son dégel. Ensuite, une technique de la sonification a été utilisée, c’est-à-dire qu’on a exprimé ces données en sons.
«Le travail réalisé par Daniel Fortier a été crucial pour notre projet, puisqu’il faut avoir des données sur 30 ans avant de pouvoir dire qu’il y a un réchauffement climatique», explique le Dr Beauchet.
On apprend d’ailleurs dans le documentaire réalisé par La Boîte Rouge Vif que le réchauffement est quatre fois plus rapide et intense dans cette région que dans le sud du Québec.
«Il se passe quelque chose au Nunavik, témoigne le chercheur. Les Premiers Peuples en particulier sont témoins de ce changement. Et puisqu’ils vivent en symbiose avec la nature, ils en subissent aussi les conséquences. Ils ont d’ailleurs adopté des stratégies d’écorésilience beaucoup plus audacieuses que les nôtres et c’est important de les écouter.»
Le médecin mentionne aussi l’ampleur de l’écoanxiété vécue par les jeunes. «Au Canada, environ 70 % des jeunes en souffrent, alors que c’est environ 40 % en Europe, dit-il. Cela s’explique peut-être par le fait que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Il faut s’en préoccuper.»
Une seule santé
Le Dr Beauchet travaille sur la relation entre les arts et la santé depuis plus de 10 ans. Il est aussi membre du conseil scientifique de l’initiative Une seule santé, qui vise à équilibrer et à optimiser la santé des personnes, celle des animaux et celle des écosystèmes pour répondre d’une manière collective, responsable et durable à un ensemble de défis planétaires dans une perspective de bien commun.
«En ce moment, la santé des écosystèmes est mauvaise en raison des répercussions des changements climatiques et cela provoque de l’écoanxiété chez les gens, ce qui affecte leur santé mentale, illustre-t-il. Dans ce contexte, je trouvais intéressant de voir ce que pouvaient faire les arts et la culture dans notre rapport au monde, dans le développement d’une écorésilience afin d’améliorer le bien-être des gens.»
Il espère que les émotions positives suscitées par les œuvres créées à l’occasion de ce projet inciteront les gens à changer des choses dans leur quotidien.
«On peut tous agir en fonction de qui l’on est, des outils qu’on a, ajoute-t-il. Parfois, on pense que c’est trop loin de soi, qu’on n’a pas d’influence, mais c’est l’effet papillon car c’est en additionnant plusieurs petits changements qu’on arrivera à un grand.»
Financés également par la Fondation David Suzuki, les chansons et le documentaire créés dans le cadre du projet «Réchauffement climatique et art inuit: l’expression artistique au service du sensible et de la transmission – ᓯᓚᐅᑉ ᐊᓯᑦᔨᕙᓪᓕᐊᓂᖓ / silaup asitjivallianinga» seront présentés devant public le 19 juin au Musée McCord Stewart. Joey Partridge et Simon Walls interpréteront une de leurs chansons. De plus, l’ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador Ghislain Picard et la philosophe Corine Pelluchon dialogueront à propos de la philosophie et des traditions autochtones. Par la suite, le documentaire sera disponible sur le Web.