Communication d’urgence
11 h 36 | 31 août

«L’UdeM, c’est ma maison»

En 5 secondes La nouvelle professeure de l’École de travail social Dominique Gaulin se spécialise en santé mentale et en prévention du suicide chez les populations marginalisées.
Dominique Gaulin

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Les nouveaux profs sont arrivés! Article 58 / 65

Après un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat de l’Université de Montréal, c’est un peu un retour aux sources qu’effectue Dominique Gaulin en intégrant l’École de travail social à titre de professeure. «L’Université de Montréal, c’est mon repère», confie la travailleuse sociale. Côtoyant ses mentors maintenant devenus collègues, elle est entrée en poste au mois de juin.

Un regard holistique

Inspirée par ses parents, tous deux dans le domaine de la psychiatrie, Dominique Gaulin a toujours été intéressée par la relation d’aide. Mais c’est vers le travail social qu’elle se dirigera finalement. «Ce qui m’attirait particulièrement, c’est la possibilité d’analyse systémique des situations, des problématiques sociales. Les questions de santé mentale ne sont ainsi pas analysées simplement d’un point de vue individuel, elles sont comprises comme un enchevêtrement complexe des sphères expérientielle, environnementale, structurelle et historique, où les déterminants sociaux sont pris en compte», résume-t-elle. Le rôle de défenseur de droits des travailleurs sociaux et les valeurs de justice sociale, de respect et de dignité rattachés à la discipline la rejoignaient aussi.

Elle entame un baccalauréat en travail social à l’UdeM, puis poursuit sa formation à la maîtrise tout en étant travailleuse sociale à temps plein. Dans ses travaux de maîtrise, elle s’intéresse à la judiciarisation de la santé mentale chez les personnes itinérantes. Avant d’entreprendre son doctorat, elle fait une pause d’études et part dans le Nord-du-Québec. «Je ne me retrouvais plus dans les pratiques observées au Sud», raconte celle qui allait vivre une expérience marquante.

Des visions plurielles

Arrivée au Nunavik en 2016, Dominique Gaulin est confrontée à son manque de préparation, même si elle était familière avec les problématiques en contextes autochtones. «Je suis allée dans le Nord un peu naïvement, je n’étais pas bien préparée. À l’époque, il n’y avait pas de cours sur le travail social en milieux autochtones au baccalauréat, se souvient-elle. J’avais un grand sentiment d’impuissance parce que mes façons de faire n’étaient pas efficaces et de toute évidence pas adaptées.»

C’est ce qui la motive à s’inscrire au doctorat. «Je voyais que la pratique était plus créative, plus flexible au Nord, mais je manquais d’outils», estime-t-elle. Elle opte pour une étude ethnographique afin de se pencher sur les savoirs et les expériences inuits en lien avec les phénomènes psychotiques.

Au Nunavik, elle découvre une conception complètement différente de la santé mentale. «Don’t we all have voices in our head?» lui a d’ailleurs dit un participant, remettant en question une certaine vision de la normalité. Elle élabore alors avec les Inuits un modèle explicatif des phénomènes psychotiques, renommés «réalités parallèles et plurielles». Ce modèle permet une lecture à la fois individuelle, historique, politique et structurelle des phénomènes dits psychotiques. Il permet aussi d'avoir une perspective globale, de mieux comprendre la pluralité des expériences, des résistances et des façons d’expliquer la détresse et le besoin d'accompagnement.

«Les diagnostics et la santé mentale ont beaucoup servi le projet colonial», rappelle-t-elle. Pour mieux aider les Inuits, il fallait les écouter et tenir compte de leur expérience, plutôt que s’en tenir à un diagnostic.

Former de meilleurs intervenants

Même si elle se joint au personnel de l’UdeM comme professeure-chercheuse, Dominique Gaulin continue son travail d’intervenante, notamment en agissant comme consultante et comme formatrice en prévention du suicide au Nunavik. «Ce qui est vraiment important pour moi, c’est de faire le pont entre l’intervention et la recherche, pour que les deux se nourrissent mutuellement», souligne-t-elle. La recherche doit être au service des communautés.

Forte de son expérience dans des communautés autochtones, Dominique Gaulin souhaite aider les futurs travailleurs sociaux à adopter des pratiques culturellement pertinentes et qui prennent en compte les traumatismes. Ses thèmes de recherche s’articulent autour de telles pratiques en contexte autochtone et auprès des populations marginalisées, et du développement de la réflexivité chez les étudiants et les étudiantes. Déjà chargée de cours à l’UdeM en 2019, elle sera responsable des séminaires de stage et des suivis des stagiaires dans leur milieu et elle donnera le cours d’intervention auprès des individus et de la famille au trimestre d’hiver.

Elle aimerait de plus mettre sur pied des laboratoires pour expérimenter diverses approches et permettre aux étudiantes et étudiants de développer leur réflexivité dans l’intervention et surtout d'être en contact avec différentes populations et problématiques. Pour entrer en relation avec les populations marginalisées (Autochtones, personnes en situation d’itinérance ou de précarité, immigrants, etc.), le travailleur social doit adopter une posture d’humilité. «Le travailleur social se doit d’adopter une posture réflexive, d’humilité culturelle afin de réellement être à l’écoute des individus, qui ont leur propre système de savoirs et parfois différentes façons de concevoir la relation d’aide», affirme-t-elle.

«On enseigne une forme de travail social. Il faut être conscient qu’il existe une multitude de manières de pratiquer le travail social, même si ça ne s’appelle pas nécessairement comme cela. Il faut inclure ces savoirs, collaborer sans chercher à dominer, au risque de répéter des schèmes coloniaux», conclut-elle.

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