Fiona Annis: faire dialoguer les disciplines par la recherche-création

En 5 secondes L’artiste multidisciplinaire Fiona Annis rejoint les rangs du Département d’histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels de l’UdeM à titre de professeure adjointe.
Fiona Annis

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De l’AC Institute à New York au Museo Novecento à Naples en passant par le Centre canadien d’architecture à Montréal et la LowSalt Gallery à Glasgow, Fiona Annis a présenté ses œuvres dans beaucoup de galeries, musées et centres d’artistes au Canada et à l’étranger. Ses réalisations font désormais partie de collections prestigieuses, notamment celles du Musée de la civilisation, du Musée national des beaux-arts du Québec et de la Penumbra Foundation à New York. 

Cette reconnaissance s’est construite grâce à un parcours jalonné de distinctions majeures telles qu’une bourse postdoctorale du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, plusieurs soutiens du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec, ainsi que des prix d’envergure internationale comme la William Blair Bruce European Fine Art Travel Scholarship ou le Jarislowsky Prize du Banff Centre for Arts and Creativity. 

L’artiste multidisciplinaire est également chercheuse et elle enseignera au Département d’histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels de l’Université de Montréal dès cet automne en tant que professeure adjointe.

 

Un parcours façonné par l’art

Née à Glasgow, Fiona Annis a grandi au Manitoba dans un environnement marqué par le croisement entre savoir et créativité artistique. Son père, engagé dans la mise sur pied du premier département d’études sur les Premières Nations, travaillait aux côtés d’artistes et de leaders culturels. «Je dirais que j’ai grandi autant dans leur maison que dans la mienne», se souvient-elle. Cette immersion précoce dans un milieu où les échanges de savoirs et les pratiques créatives se répondaient l’a orientée très tôt vers une réflexion sur les liens entre art, mémoire et communauté. 

Après une maîtrise de recherche en pratiques artistiques créatives à la Glasgow School of Art, Fiona Annis a entrepris un doctorat interdisciplinaire en recherche-création à l’Université Concordia. Sa thèse, «Swan Songs, Place, and the Photographic Image», portait sur les relations entre image photographique, mémoire des lieux et temporalité. Cette démarche, qui l’a amenée à interroger la matérialité de l’image et son rôle dans la construction des récits collectifs, constitue encore aujourd’hui une source d’inspiration pour ses projets. 

L’interdisciplinarité comme moteur de recherche et de création

Pour Fiona Annis, tout commence par un lieu, un contexte, une rencontre. Ses projets naissent d’un ancrage précis et trouvent ensuite la forme qui leur semble la plus juste: installations, performances, livres ou œuvres monumentales. «Souvent, dans mes projets d’art public, la recherche est liée à l’histoire et à l’actualité du lieu. Je cherche à construire quelque chose qui résonne, qui accueille et qui amplifie ces récits», explique-t-elle. 

Parmi ses projets, l’œuvre monumentale Notre souffle par-delà, réalisée en collaboration avec Véronique La Perrière M. et signée par La société des archives affectives, a été installée sur l’avenue des Pins à la suite de la pandémie de COVID-19. Cette œuvre rend hommage au travail des infirmières à travers une douzaine de mains sculptées semblant flotter dans l’espace. «Ces mains sont les moulages de celles d’un groupe d’infirmières choisies pour refléter la diversité de la profession. À Montréal, mais aussi à Kahnawake et à Mashteuiatsh, nous avons eu des échanges riches autour de leurs histoires, de leurs expériences et de leurs perceptions du métier. Les mains, c’est un symbole puissant: elles représentent le soin, la rencontre, la connexion. Dans la sculpture, elles tiennent des tissus conçus comme métaphores du tissu social», raconte-t-elle. 

Cette démarche s’inscrit naturellement dans une pratique interdisciplinaire. Cofondatrice de La société des archives affectives avec Véronique La Perrière M., Fiona Annis élabore des projets collectifs qui brouillent volontairement les frontières entre arts visuels, mémoire affective et savoirs périphériques. Pour elle, la rencontre entre disciplines est essentielle: «L’interdisciplinarité est un axe central dans ma pratique, indique-t-elle, et c’est quelque chose que je souhaite continuer d’explorer dans le contexte universitaire.» 

Elle envisage d’ailleurs de considérer les collections et les archives de la Galerie de l’Université de Montréal comme matière première de réflexion pour de nouvelles créations. «Je suis curieuse de découvrir, avec mes étudiants et étudiantes, la richesse des collections présentes à la Galerie», ajoute-t-elle. 

Explorer la recherche-création

Elle observe que la recherche-création occupe aujourd’hui une place croissante dans des départements universitaires variés, allant bien au-delà des arts visuels. «Il se fait de la recherche-création non seulement en histoire de l’art, mais aussi en communication, biologie ou urbanisme. La recherche-création cultive des attributs comme l’innovation, l’agilité, l’expérimentation, l’interdisciplinarité. Dans un monde qui change si vite, je pense que ces attributs sont particulièrement pertinents», mentionne-t-elle.

Pour ses prochains travaux de recherche-création, elle aimerait s’intéresser à ce qu’elle nomme «l’écoute profonde». Pour elle, il s’agit à la fois d’une pratique artistique, d’une méthode de recherche et d’une manière d’amorcer le dialogue. «On peut se demander quels sont nos outils pour écouter des artéfacts qui proviennent de différentes temporalités, de différents lieux, dit-elle. L’écoute profonde peut être une méthodologie, mais aussi la première étape des dialogues inclusifs.» 

L’enseignement comme espace d’échange et de transmission

Durant son doctorat, Fiona Annis a conçu un cours axé sur la recherche-création dans le Département d’histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels de l’UdeM. Elle compare cette expérience à un travail de commissariat: «Monter un cours, c’est amener des rencontres, des idées, des praticiens, des philosophes autour d’une recherche actuelle. C’est beaucoup de travail, mais c’est un travail passionnant», affirme-t-elle. 

À l’Université de Montréal, elle donnera cet hiver le cours Exploration en arts visuels, qui proposera une approche matérielle des procédés artistiques. «Dans mes propres études, j’ai exploré l’histoire de la photographie à travers ses procédés matériels, depuis la naissance de la photographie jusqu’à aujourd’hui, souligne-t-elle. J’ai l’impression que cette approche enrichit les connaissances théoriques scolaires.» 

Fiona Annis voit l’enseignement comme un espace d’apprentissage partagé. «J’ai hâte d’être en contact avec de nouvelles générations de créateurs et créatrices. J’ai l’impression que j’ai beaucoup à transmettre, mais aussi beaucoup à apprendre moi-même des étudiantes et étudiants que je rencontre», conclut l’artiste. Pour elle, cette posture d’échange et de transmission est au cœur de sa démarche, qu’il s’agisse de recherche, de création ou d’enseignement. 

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