Évelyne Brie: faire parler les données pour mieux comprendre les inégalités

En 5 secondes Évelyne Brie se joint au personnel enseignant du Département de science politique de l’UdeM, forte d’une expertise en méthodes quantitatives et portée par un intérêt pour les inégalités sociales.

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Les nouveaux profs sont arrivés! Article 62 / 66

Très tôt, Évelyne Brie s’est passionnée pour la politique. Enfant, elle suivait les élections avec enthousiasme et consignait les résultats de sondages, déjà fascinée par les dynamiques électorales. Après avoir travaillé à l’Université Western, elle vient d’entrer au Département de science politique de l’Université de Montréal à titre de professeure adjointe, forte d’une expertise en méthodes quantitatives comparées et animée d’une volonté constante de comprendre les inégalités sociales à l’aide des données. Ses recherches combinent l’économie politique, le comportement électoral et les méthodes quantitatives, avec un intérêt particulier pour la cohésion sociale et les inégalités structurelles dans des sociétés fragmentées telles que le Canada, l’Allemagne et le Royaume-Uni. 

Cette curiosité l’a menée vers un baccalauréat intégré en économie, politique et droit, suivi d’une maîtrise en science politique à l’Université Laval. C’est au cours de sa maîtrise qu’elle croise la route d’un professeur qui jouera un rôle déterminant dans son parcours, Yannick Dufresne, également cocréateur de la Boussole électorale. «J’ai eu un cours de programmation avec lui qui a complètement changé mon approche. C’est avec lui que j’ai appris à programmer, et il m’a donné les outils qui me permettent de faire ce que je fais aujourd’hui. Ça a vraiment été un tournant qui m’a fait passer d’une approche qualitative à une approche quantitative», se souvient-elle.

Comprendre les fractures sociales et historiques

Cette transition méthodologique ouvre la voie à l’ensemble de ses recherches actuelles, axées sur l’analyse de données pour mieux comprendre les inégalités sociales. Elle poursuit des études doctorales aux États-Unis, à l’Université de Pennsylvanie, attirée par la solidité de la formation en méthodes quantitatives. Au cours de son doctorat, elle séjourne en Allemagne, pays d’origine de sa mère, pour approfondir ses recherches. 

Au cœur des travaux d’Évelyne Brie se trouve une volonté de mieux comprendre les inégalités structurelles, en particulier celles qui persistent. Sa thèse met en lumière les fractures durables entre l’Allemagne de l’Est et Allemagne de l’Ouest, plus de trois décennies après la réunification. À l’aide de données issues de sondages et de médias sociaux, elle démontre que les clivages régionaux influencent encore les comportements sociaux et politiques. Par exemple, un réseau social géographiquement restreint dans l’ancienne Allemagne de l’Est est associé à une plus grande probabilité de voter pour des partis d’extrême gauche ou d’extrême droite, alors qu’un tel phénomène est absent en Allemagne de l’Ouest.

Un autre chapitre de sa thèse met en évidence l’effet différencié de l’héritage économique. Les ex-Allemands de l’Est héritent moins souvent, et de surcroît de sommes moindres, que ceux de l’Ouest, ce qui contribue à perpétuer les écarts de richesse entre les deux régions. Ces constats montrent l’importance des mécanismes intergénérationnels dans la reproduction des inégalités. Selon elle, «les inégalités régionales ont souvent une histoire longue. Pour les comprendre, il faut étudier les structures sociales, économiques et politiques qui se superposent sur plusieurs générations». 

Des données au service du territoire

Inspirée par son passage au CityLab Berlin, un laboratoire d’innovation urbaine qui mise sur l’ouverture des données pour améliorer la qualité de vie dans les quartiers, où elle a travaillé comme experte en science des données, Évelyne Brie adapte désormais cette approche au contexte québécois.

De retour au Québec, elle collabore avec l’organisme montréalais Vive la ruelle, engagé dans le verdissement urbain. Ensemble, ils étudient les retombées des ruelles vertes sur les conditions de vie dans les quartiers défavorisés. Évelyne Brie y installe des capteurs environnementaux logés dans des cabanes à oiseaux imprimées en 3D, qui mesurent des indicateurs comme la qualité de l’air, la température ou le niveau de bruit ambiant. 

Un projet similaire est actuellement en discussion avec la Ville de Québec, où elle espère mettre en place des dispositifs comparables. «Ce que je veux, c’est concevoir des outils simples et accessibles pour visualiser les inégalités territoriales, par exemple en ce qui a trait à la qualité de vie. Quand on peut les voir sur une carte, les gens comprennent vite ce dont il s’agit», explique-t-elle. Son objectif est de rendre ces données utiles autant pour les résidants que pour les décideurs publics afin de soutenir des politiques publiques plus équitables.

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