Paméla Trudeau-Fisette: la parole sous tous les sens

En 5 secondes La nouvelle professeure du Département de linguistique et de traduction de l’UdeM Paméla Trudeau-Fisette se spécialise en phonétique expérimentale.
Paméla Trudeau-Fisette

Dans la série

Les nouveaux profs sont arrivés! Article 65 / 67

La phonétique expérimentale explore la science des sons de la parole à travers des expérimentations en laboratoire. «Ce sont les machines qui ont fait que j’ai choisi cette spécialité. Pour mieux comprendre la façon dont on parle, on peut, par exemple, coller des capteurs sur la langue pour suivre les mouvements articulatoires ou encore utiliser un casque de réalité virtuelle pour simuler différents contextes conversationnels… C’est quelque chose de très concret, mais ça permet de nourrir et tester des théories plus abstraites», explique Paméla Trudeau-Fisette. 

Son nouveau poste de professeure au Département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal lui permettra de participer à la mise sur pied d’un laboratoire de linguistique expérimentale en collaboration avec deux autres professeures du département, Maxime Tulling et Simone Falk. «L’objectif est d’obtenir une subvention d’infrastructure afin de nous procurer de nouveaux outils de recherche expérimentale intéressants pour les étudiants et les étudiantes, que j'aimerais intégrer à mes recherches et amener à faire des stages, des mémoires et des thèses dans ce laboratoire», espère-t-elle.

«Montréal, c’est ma ville et je souhaitais y enseigner. J’ai été patiente!» évoque-t-elle. Après un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat en linguistique à l’UQAM, Paméla Trudeau-Fisette a occupé le poste de conseillère à la recherche à HEC Montréal pendant 3 ans. Ce passage de même que ses nombreuses charges de cours depuis 10 ans l’auront préparée à relever ce nouveau défi. «Comme j’aidais les membres du corps professoral à rédiger des demandes de subvention, je connais bien les organismes et les façons de structurer une demande», note-t-elle. Elle donne par ailleurs cet automne le cours Phonétique avancée.

 

Multimodalité de la parole

Dès la maîtrise, elle se spécialise en phonétique. Elle a d’ailleurs travaillé au laboratoire de phonétique de l’UQAM (dirigé par la professeure Lucie Ménard) durant toute sa scolarité. «Mon travail avec les outils technologiques, mais aussi avec des humains, c’est ce qui m’a fait pencher pour la phonétique expérimentale», souligne Paméla Trudeau-Fisette.

Depuis ses études, le fil conducteur de ses recherches reste la multimodalité de la parole, soit le fait que plusieurs sens (l’audition, la vision et la proprioception) jouent un rôle dans le développement de la parole. Dans son mémoire de maîtrise, elle a comparé la compensation à des manipulations auditives chez les locuteurs voyants et non voyants. «Lorsqu’elles devaient produire un son, les personnes non voyantes étaient davantage influencées par les manipulations auditives, c’est-à-dire qu’elles portaient plus d’attention à ce qu’elles entendaient – on appelle cela la réorganisation sensorielle», mentionne-t-elle.

Sa thèse de doctorat portait quant à elle sur l’apport des informations sensorielles dans le développement de la parole. Si les repères auditifs sont les premiers à se former chez les enfants, les repères proprioceptifs et visuels se développent par la suite. 

Les futures recherches de Paméla Trudeau-Fisette se poursuivront autour de ces thèmes. «Il reste tellement à apprendre sur la multimodalité de la parole, soit comment les différents sens interagissent et s’influencent», constate-t-elle. Après avoir recueilli suffisamment de données sur une population neurotypique, elle aimerait travailler avec des personnes atteintes de troubles développementaux ou neurodégénératifs pour étudier comment ceux-ci affectent la parole. «L’idée est de fournir des données claires aux cliniciens qui travaillent en réadaptation ou encore participer à la mise au point d’outils technologiques adaptés aux besoins de ces populations», indique-t-elle.

Une passion au détour d’un hasard

Même si Paméla Trudeau-Fisette rêvait de devenir professeure d’université depuis sa maîtrise, le monde universitaire ne l’a pas toujours attirée. «Je voulais faire ma technique [en travail social] et aller sur le marché du travail, relate-t-elle. Je trouvais que l’école, ce n’était pas pour moi.»

Mais ses parents – sa mère travaille dans le milieu de l’éducation et son père dans celui de la culture – insistent. Elle s’inscrit au baccalauréat en adaptation sociale, où est offert un cours de linguistique pour les enseignants. La découverte de cette discipline qui lui était inconnue sera marquante. «Comme quoi, il faut parfois écouter ses parents!» plaisante-t-elle.

Elle change donc de programme et plonge à bras-le-corps dans la linguistique: «Une fois que j’ai eu les pieds dedans, j’ai su que je ne quitterais plus la discipline», dit-elle. Elle garde de si bons souvenirs de ses études universitaires qu’elle aspire à devenir mentore à son tour. Elle ajoute: «Les études ont été une époque tellement agréable; j’espère que je pourrai faire vivre la même chose à mes étudiants et étudiantes.»

Quoi qu’il en soit, Paméla Trudeau-Fisette a encore beaucoup de pistes à explorer. «On naît et l'on apprend seul à parler, en testant et en écoutant, mais c’est tellement complexe, le langage! Le sujet est sans limites», estime-t-elle.

Partager