Pierre-Antoine Harvey: comprendre pour mieux défendre les droits des travailleurs

En 5 secondes Après 15 ans dans le milieu syndical, Pierre-Antoine Harvey rejoint les rangs de l’École de relations industrielles de l’UdeM.
Pierre-Antoine Harvey

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Les nouveaux profs sont arrivés! Article 66 / 67

«J’ai découvert dans la défense des droits au travail un espace intéressant; après tout, le travail représente presque le tiers de nos journées, c’est important», remarque Pierre-Antoine Harvey. 

Après 15 ans passés comme économiste au service de recherche et de négociation de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), il s’est joint en juin au corps professoral de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.

De l’importance des rapports de pouvoir

Durant sa jeunesse, la figure de Michel Chartrand est présente dans l’univers de Pierre-Antoine Harvey. «Je ne sais pas pourquoi – je ne viens pas d’une famille syndicaliste –, mais ma mère l’adorait. Je l’ai connu très jeune», se souvient-il. Après son baccalauréat en science politique, il désire s’engager socialement. Son activité bénévole auprès de l’organisme de défense des non-syndiqués Au bas de l’échelle sera marquante pour la suite de son parcours, et elle se poursuit jusqu’à ce jour. 

À la suite de son baccalauréat, Pierre-Antoine Harvey fait une maîtrise en économie du travail à l’Université du Québec à Montréal dans l’espoir d’intégrer le service de recherche d’une centrale syndicale. De la science politique, il retient l’importance de la notion de rapport de force. «En économie classique, la notion de pouvoir est presque complètement évacuée. Mais le travail, c’est une relation à la fois économique et sociale. Et les relations de pouvoir se jouent quotidiennement», note-t-il. 

Même s’il garde toujours un pied sur le terrain, il reste intéressé par la recherche, passant par le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail comme professionnel de recherche, ce qui le mènera à y entamer un doctorat en relations de travail. 

Lorsque l’occasion d’entrer au service de recherche de la CSQ se présente, il la saisit, même s’il n’a pas terminé sa thèse – ce qui lui vaudra deux ans de nuits blanches. À la CSQ, il prépare les dossiers pour aider le bureau syndical à définir ses orientations et énoncer sa position sur les finances publiques et la négociation. Il continue à tisser des liens avec le monde universitaire, collaborant avec des professeurs, acceptant des charges de cours et donnant des conférences. Il est également chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques depuis 2003. 

«Mais c’est sûr que, quand on fait un doctorat, on réfléchit à la carrière universitaire», mentionne-t-il. Le moment est propice lorsqu’un poste à l’UdeM s’affiche. «C’est un gros saut!» confie celui dont la transition s’est déroulée en pleine annonce de compressions budgétaires en éducation. «J’espérais ne pas avoir à rouvrir cette boîte-là avant de partir!» lance-t-il.

Prendre un pas de recul

Suite logique de sa grande connaissance du processus de négociation dans le secteur public, ses recherches porteront sur les transformations des structures et des négociations. «J’aimerais comprendre comment les transformations imposées par le gouvernement modifient le rapport de force, la capacité des travailleurs et des travailleuses de faire entendre leurs voix et d’améliorer leurs conditions de travail», résume-t-il. Il poursuit ainsi une collaboration entamée avec François Bolduc et Jean-Noël Grenier, de l’Université Laval. «Là où les répercussions vont se faire le plus sentir, ce n’est pas tant sur le plan salarial qu’en matière d’organisation du travail et de qualité des services publics», avance-t-il. 

Son programme de recherche s’articulera donc autour de trois axes, à savoir l’adaptation et la résistance des syndicats aux défis posés par la centralisation de la négociation dans les secteurs de l’éducation et de la santé; l’analyse des réponses stratégiques des gestionnaires des établissements à une négociation de plus en plus centralisée dans les mains du Conseil du trésor; et la comparaison internationale de l’évolution des structures de négociation dans le secteur public et des réponses syndicales correspondantes, avec un accent particulier sur les alliances syndicales.

Sa nouvelle position de professeur-chercheur lui permettra de prendre le recul nécessaire pour analyser les conséquences des pratiques sur la qualité de la négociation. «Je vais pouvoir accéder à d’autres points de vue. Je connais bien ceux de la CSQ et du Front commun, mais j’espère pouvoir enrichir ma réflexion», souligne-t-il. Les étudiants et étudiantes pourront par ailleurs profiter de son expertise dès l’hiver prochain, alors qu’il donnera le cours Négociation collective.

Pour Pierre-Antoine Harvey, recherche et terrain continueront de marcher main dans la main. «Est-ce que je suis chercheur militant? Je ne sais pas si c’est le bon terme, mais je veux que mes recherches soient utiles pour le milieu. C’est primordial», conclut-il.

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