L'UdeM et les Premiers Peuples: vers une réconciliation authentique

En 5 secondes Avec son plan Place aux Premiers Peuples 2024-2029, l'UdeM transforme ses pratiques pour créer un environnement inclusif et rendre la présence autochtone visible à l’ensemble de sa communauté.

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Les Premiers Peuples à l'UdeM Article 15 / 16

L'Université de Montréal s'engage résolument dans un processus de décolonisation et de réconciliation avec les Premiers Peuples: avec son plan d'action Place aux Premiers Peuples 2024-2029, elle transforme concrètement ses pratiques et crée un environnement plus inclusif.

Pour mieux comprendre cette démarche, nous nous sommes entretenus avec Valérie Amiraux, vice-rectrice au communautaire, à l'international et aux Premiers Peuples, et Annie Pullen Sansfaçon, nouvellement nommée vice-rectrice adjointe aux relations avec les Premiers Peuples, à l’engagement et aux méthodologies participatives, elle-même issue de la nation wendate.

Questions Réponses

Pourquoi était-il important pour l'UdeM de se doter d'un plan d'action en matière de relations avec les Premiers Peuples?

Annie Pullen Sansfaçon: Le plan d'action 2024-2029 est le deuxième adopté par l’Université de Montréal. Il permet de bâtir, et de réorienter ce que nous avions fait précédemment, dans une perspective plus large de réconciliation. Il fournit des outils concrets non seulement aux parties prenantes de l'UdeM pour les guider quant aux priorités à mettre de l'avant pour établir des relations respectueuses avec les Premiers Peuples, mais aussi aux membres de la communauté pour favoriser leur autonomie à ce sujet.  

Valérie Amiraux: Ce plan montre la volonté institutionnelle d'intégrer les réalités et les savoirs autochtones en enseignement et en recherche notamment. Comme il s'agit d'un sujet à la fois d'actualité, éminemment politique et encore mal connu, les membres de notre communauté ont manifesté le désir que nous les accompagnions et mettions à leur disposition des outils pour faciliter leur travail avec les communautés autochtones. 

Annie Pullen Sansfaçon: En somme, le plan d'action affirme clairement les principes et orientations qui guident l’Université dans son engagement envers les Premiers Peuples. Les peuples autochtones et les allochtones ont deux visions du monde qui sont rarement en dialogue. Le plan d’action vise à construire des ponts afin que ce dialogue s’instaure. 

Que contient concrètement le plan d'action et comment est-il mis en œuvre?

APS: Le plan d’action comporte quatre volets principaux: accroître la visibilité autochtone par des gestes concrets comme la tenue d’expositions d'artistes autochtones; améliorer le sentiment de sécurité chez les personnes autochtones au sein de l'Université; soutenir les communautés étudiante et employée autochtones par diverses initiatives; et atteindre un plus grand équilibre des savoirs en reconnaissant les connaissances autochtones et en les intégrant davantage aux programmes d’études.

L'objectif est que l'UdeM devienne encore plus accueillante et que les personnes issues des Premiers Peuples qui y travaillent ou y étudient se sentent visibles, soutenues et en sécurité sur nos campus. Nous voulons aussi faciliter l’établissement de relations plus respectueuses avec les Premiers Peuples et faire en sorte que leurs savoirs et leurs perspectives soient davantage pris en compte dans l’enseignement, la recherche et l’administration de l’Université. Ce sont des actions comme celles-là qui permettent à l’UdeM de réellement s’engager dans un processus de décolonisation.

VA: La nomination de Mme Pullen Sansfaçon, issue de la nation wendate, comme vice-rectrice adjointe aux relations avec les Premiers Peuples est symboliquement forte, mais pas seulement. Par ce titre, elle est devenue une représentante de l'Université de Montréal.

Comment vous y prenez-vous pour sensibiliser la communauté universitaire à ces questions?

APS: Notre approche vise à autonomiser les unités et les personnes qui les composent. Nous avons ainsi élaboré un répertoire de matériel pédagogique composé de vidéos, de photos et d'écrits que le personnel enseignant peut intégrer dans ses cours et projets de recherche.

Nous avons aussi créé une formation intitulée Place aux Premiers Peuples sur StudiUM, disponible tant pour les membres de l'Université que pour les gens de l'extérieur afin d’affiner les connaissances sur les réalités vécues par les communautés autochtones. Bien comprendre leur histoire et leurs réalités est un premier pas vers la réconciliation.

Que sait-on des Autochtones qui étudient ou travaillent à l'UdeM?

APS: Nous ne disposons pas de données exhaustives à ce sujet, puisque les inscriptions reposent sur une auto-identification volontaire. Il faut respecter le fait que certaines personnes ne se sentent pas à l’aise de déclarer leur identité autochtone, d'où le besoin d'accentuer le sentiment de sécurité des membres autochtones de notre communauté. Nous savons que, bon an, mal an, nous accueillons une centaine d'étudiantes et d'étudiants autochtones. 

Les défis que ces personnes doivent relever sont très variés parce qu’il n’y a pas qu’une seule réalité autochtone. Celles et ceux qui habitaient déjà en ville ne sont pas confrontés aux mêmes défis que ceux et celles qui viennent de communautés plus éloignées. Mais de façon générale, une certaine insécurité culturelle est vécue, car ils ne se reconnaissent pas dans le matériel pédagogique et il y a peu ou pas de références aux réalités autochtones dans leur programme d’études. 

VA: La question de la visibilité des Autochtones dans notre établissement est centrale. J’ai été très touchée par l’allocution que Joséphine Bacon a prononcée en recevant son doctorat honoris causa en août. Elle y a abordé la visibilité sur un ton humoristique en ouverture, mais a ensuite souligné, après être revenue sur son parcours d’enseignante de la langue innue à l’Université de Montréal, à quel point cet honneur qui lui était rendu marquait le fait que les Autochtones ne nous sont pas invisibles. «Même si l’on ne s’est pas fait une beauté, a-t-elle dit, vous nous avez remarqués.»  

Notre ambition est qu’une fois l’objectif de sécurisation atteint, chaque membre de la communauté se sente capable de s’engager dans la réconciliation avec les personnes issues des Premiers Peuples, que tous et toutes aient fait l'effort d'apprendre, étudiants et étudiantes, membres du personnel de soutien et du corps enseignant. Notre responsabilité est immense. N’oublions pas les mots de la poète: «Je me suis faite belle pour qu’on remarque la moelle de mes os, survivante d’un récit qu’on ne raconte pas.» 

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