Filtrer un contaminant omniprésent dans l’eau avec des plantes de chez nous

Crédit : Photo de courtoisie

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Une étudiante en sciences biologiques teste cet été le potentiel de trois plantes indigènes du Canada d’éliminer le triclosan, un contaminant très répandu.

Laurianne Bédard, étudiante de maîtrise en sciences biologiques à l’Université de Montréal

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Chaque jour, une grande quantité de produits chimiques synthétiques issus des activités humaines se retrouvent dans les milieux humides et hydriques du Québec et modifient le cycle naturel des matières.

C’est particulièrement le cas du triclosan, un composé chimique contenu dans un large éventail de produits de consommation quotidienne comme les dentifrices, les savons et les désodorisants. Utilisé à titre d’agent de conservation et d’antiparasitaire, il sert à inhiber la croissance des bactéries, des champignons et des moisissures.

Mais une fois rejeté dans l’environnement, le triclosan pourrait nuire aux organismes au bas de la chaîne trophique (comme les algues et les microalgues) et aux embryons de certains poissons et grenouilles, en plus d’altérer la croissance des populations microbiennes et d’ainsi participer à l’émergence de souches de bactéries susceptibles de devenir résistantes aux antibiotiques.

Laurianne Bédard, étudiante de maîtrise en sciences biologiques à l’Université de Montréal, étudie actuellement l’élimination potentielle de cet important contaminant grâce à un marais filtrant.

Son projet mobilise 50 mésocosmes – des environnements qui recréent des milieux naturels dans lesquels les conditions sont contrôlées – composés de trois plantes indigènes du Canada: l’eupatoire maculée, le roseau d’Amérique et la spartine pectinée.

Dirigée par Joan Laur et codirigée par Jacques Brisson, professeurs au Département de sciences biologiques de l’UdeM, Laurianne Bédard cherche à évaluer leur pouvoir de filtration individuel et combiné.

«Je sais déjà que le roseau d’Amérique et la spartine pectinée sont efficaces pour éliminer plusieurs autres contaminants, dit-elle. Mais l’idée est de déterminer s’ils le sont aussi pour le triclosan et de voir si la biodiversité, la combinaison des plantes a un effet ajouté. Inversement, si ce n’est pas le cas pour les deux volets, nous saurons que ces espèces ne sont pas à prioriser en termes de filtration. Et si une plante réagit plus fortement, elle pourra constituer un éventuel bio-indicateur pour le suivi du contaminant dans le réseau hydrique.»

Une solution verte et accessible à un enjeu important

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Le triclosan est parmi les contaminants les plus détectés dans les milieux aquatiques, mais il peut également infiltrer le sol et les sédiments, voire être bioaccumulé par les organismes vivants, notamment les humains.

«L’urine humaine en contient, tout comme le sébum et le lait maternel, avance Laurianne Bédard. Certaines études soutiennent même que le triclosan aurait des effets neuroperturbateurs, mais non précisés pour le moment.»

Soucieuse de ces répercussions, l’étudiante souhaiterait que les trois espèces sélectionnées deviennent de bonnes options vertes pour la gestion de l’eau contaminée, particulièrement là où les stations d’épuration sont insuffisantes ou inexistantes.

«En général, les stations d’épuration permettent d’éliminer 90 % du triclosan, ce qui n’empêche pas le composé chimique d’être l’un des 10 polluants les plus présents dans les eaux mondiales, note-t-elle. Aussi, il existe plusieurs municipalités en région qui ne filtrent pas entièrement l’eau et où les effluents contiennent toujours du triclosan. Donc, on pourrait décider d’ajouter un marais filtrant doté de ces plantes en fin de traitement. Les gens qui ont un chalet éloigné, par exemple, pourraient également décider de créer un corridor avec ces plantes à leur sortie d’eau. D’autant plus que les trois espèces poussent au Québec et peuvent être facilement achetées en pépinière.»

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